L’artiste burkinabé Warren Saré dont le travail sur les anciens combattants africains est actuellement exposé au musée Michelet, vient d’arriver en résidence pour un mois. Une première en matière de photographie. L’artiste va poursuivre son travail de mémoire en rencontrant des “anciens” qui ont vu Brive évoluer ou qui ont côtoyé des “tirailleurs sénégalais”, des jeunes aussi pour leur révéler cette part d’histoire et transmettre un message d’humanité. Prise de contact ce matin.
Il est arrivé ce dimanche dans la cité gaillarde, après un rapide passage sur le plateau de nos confrères de TV5 Monde qui ont mis en honneur son travail et cette exposition. Malgré le différentiel thermique, l’artiste a vite trouvé ses marques. “Je me sens chez moi, pas à l’étranger”, assurait-il ce matin à au maire adjoint Philippe Lescure, chargé de la Culture. Il faut dire que dans trois salles à l’étage l’attendaient déjà depuis la mi-septembre une galerie de portraits presque de famille qu’il a patiemment rassemblés au fil des ans et des pays.
Qu’ils soient du Burkina Faso, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, du Mali, Bénin, Niger ou du Togo, ces vieux hommes au regard grave ont en commun de s’être battus pour la France, pendant la seconde guerre mondiale, en Algérie ou en Indochine. Dans la lignée de ceux avant qui avaient fait de même lors de la “grande guerre” qui aurait du être la “der des ders”. “Certains se sont d’ailleurs ensuite engagés pour venger le père, l’oncle ou le frère”, explique Warren Saré.
Bien qu’ils soient issus de diverses anciennes colonies africaines, ils sont faussement désignés par le même vocable de “tirailleurs sénégalais”. “On connaissait les pays contre qui on se battait. On a fait la guerre pour sauver la France”, a témoigné l’un d’eux. Des oubliés aux maigres droits que la France reconnaitra tardivement. L’Histoire elle-même les a ignorés, à peine voit-on leur ombre furtive dans les documentaires consacrés à cette période… Des invisibles (titre de l’exposition) que le photographe s’est échiné à mettre en lumière pour les faire reconnaitre même dans leur propre pays.
C’est une démarche toute personnelle qui a lancé Warren Saré sur la trace de ces oubliés. “Mon arrière-grand-père est parti combattre en France pendant la Première Guerre mondiale et n’est pas revenu. Dans mon village de Béguédo, mon grand-père en parlait souvent. J’ai voulu en savoir davantage, mais il n’y avait plus de photo ou de document. J’ai découvert que d’autres avaient aussi combattu, et à la Seconde Guerre mondiale en Europe, mais aussi en Indochine et en Algérie. Je suis allé à leur rencontre pour recueillir leur témoignage, garder des traces et transmettre cette mémoire. Il faut apprendre à se connaître pour s’accepter, connaitre le passé pour mieux préparer l’avenir.”
Guidé par ce devoir de mémoire, Warren Saré sillonne depuis l’Afrique de l’Ouest à la recherche de ces témoins de l’Histoire, retraçant les parcours de ces jeunes hommes devenus des “anciens” au visage ridé et à la mine altière. “J’ai rencontré plus de 200 tirailleurs. Ils taisent souvent cette histoire à leur famille, alors qu’ils conservent précieusement des effets dans leur cantine militaire. Avant de les prendre en photo, il faut réveiller tout ce passé qui est aussi douloureux. Il faut connaitre cette page d’histoire et la transmettre surtout aux jeunes.”
Un devoir de mémoire d’autant plus exemplaire que Warren Saré est autodidacte et a mené sa quête seul et avec peu de moyens, livrant ainsi un autre message: “La réussite est au bout des efforts”, répète-t-il. “Que ce soient les jeunes français ou les jeunes africains, il faut croire en sa voix.” Un message en ricoché à celui laissé par “ces braves hommes et leur combattivité”.
“Dès qu’on a découvert ses photos et son travail de collecte de documents autour des personnes, accueillir Warren Saré était une évidence”, explique Thierry Pradel, responsable du musée Michelet tourné vers ce travail de mémoire. Une première pour le lieu. “C’est aussi une volonté d’ouvrir plus largement la résidence d’auteur sur l’image, aujourd’hui avec un photographe, demain peut-être avec un réalisateur”, commente Philippe Lescure. “Warren Saré est un magnifique symbole, son témoignage dépasse les frontières.”
Pendant sa résidence, Warren Saré va partir à la rencontre de Brivistes pour les interroger sur l’évolution de Brive, poursuivre aussi son travail auprès d’anciens combattants, rencontrer également des jeunes, sur place au musée ou dans les établissements scolaires, échanger avec les membres de l’atelier photographique du centre culturel… “La transmission, c’est le cœur de mon travail.”
Les Invisibles de Warren Saré, au musée Michelet à Brive, 4 rue Champanatier. Ouvert du lundi au samedi de 13h à 18h. Infos au 05.55.74.06.08 et sur centremichelet.brive.fr.
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