“Les enfants sont souvent oubliés en tant que victimes de la violence conjugale”, insiste le docteur Karen Sadlier. “Leur souffrance est passée sous silence, alors que leur développement, physique comme psychologique, peut en être menacé.” La spécialiste animait cet après-midi une rencontre-débat à l’immeuble consulaire dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
“Actes agressifs, difficultés scolaires, mise en danger, comportements à risque, replication de la violence dans le couple…” La voix fluette contraste avec la gravité des faits. Seule à la tribune, Karen Sadlier liste l’impact que peuvent provoquer les violences conjugales sur les enfants qui en sont témoins. Des têtes opinent dans l’assistance bien fournie, venant confirmer l’accablante réalité à laquelle sont confrontés les intervenants sur le terrain. Si la rencontre est ouvert au grand public, de nombreux professionnels ont répondu présents. Beaucoup d’acteurs sociaux, mais aussi une délégation bien visible de gendarmes. Chacun accueille les paroles de l’intervenante avec une grande attention.
C’est une sommité dans le domaine. D’origine américaine, Karen Sadlier est docteur en psychologie clinique et directrice du département enfants du Centre du psychotrauma de l’institut de victimologie (CPIV) à Paris ainsi qu’auteur de livres et d’articles sur le sujet. Depuis 10 ans, elle forme et elle supervise des psychologues, des psychiatres et des professionnels du monde socio-éducatif et médico-psychologique au suivi pragmatique et créatif de la souffrance. Elle a même été pendant plusieurs années secrétaire générale de la Société européenne des études de stress et du trauma (ESTSS) ainsi que la directrice de l’unité enfant du Centre du psychotrauma de Paris.
“La violence conjugale a longtemps été considérée comme une affaire d’adultes alors qu’elle a des conséquences graves sur les enfants qui en sont témoin, sur leur développement physique comme psychologique”, explique cette spécialiste du trauma. “Les agressions physiques, sexuelles, verbales, psychologiques et économique qui constituent la violence conjugale, créent un climat de vie marqué au quotidien par l’insécurité et l’instabilité.” Les études montrent que les enfants entre 3 et 6 ans sont ceux qui montreraient le plus de symptômes en lien avec ces violences conjugales. Ils sont particulièrement sensibles aux modèles inadaptés de gestion des émotions comme la colère et la peur. “C’est peut-être plus visible à cet âge. Il faut garder à l’esprit que les troubles de sommeil ou d’appétit peuvent être des révélateurs. Entre 7 et 10 ans, les enfants vont être affectés dans le lien avec autrui: ils ne veulent pas que ça se sache.”
“D’où la nécessité d’une prise en charge la plus précoce possible des victimes et des enfants témoins“, conclura la spécialiste, “afin d’éviter des vies fracassées et d’arrêter un cycle de violences subies ou agies qui se produisent de générations en générations.”