Comment des gens qui vivaient côte à côte, parlaient la même langue, ont fini par devenir ennemis, au point d’exterminer 800.000 d’entre eux en moins de 100 jours? C’est la question que pose cette exposition proposée jusqu’au 18 février au musée Michelet et réalisée par le Mémorial de la Shoah. Au delà des faits, elle permet de mieux comprendre la notion même de génocide et ses ressorts psychologiques. Shoah, Herero, Arméniens, Tutsis… lorsqu’on nie l’humanité de l’autre.
Une quinzaine de panneaux très explicatifs, des dessins d’enfants victimes du cauchemar: c’est une toute petite salle dédiée à un immense massacre. “La pire tragédie de la fin du XXe siècle”, disent certains. “Le plus grand génocide de l’après Shoah”, qualifient d’autres. L’horreur n’est pas quantifiable. Et la vérité historique longue à émerger.
Le 6 avril 1994, l’avion du président de l’époque, le Hutu Juvenal Habyarimana, est abattu par des missiles. Cet attentat est considéré comme le déclencheur du génocide qui s’est propagé dès le lendemain et a coûté la vie à 800.000 Tutsis. Mais près de 18 ans après, une nouvelle expertise éclaire d’un jour nouveau l’origine de cet attentat: on accusait la rébellion tutsie et les tirs impliqueraient en fait des loyalistes hutus. Un rapport qui change tout et accrédite le scénario d’un génocide planifié. “Une solution voulue finale”, comme l’explique l’un des panneaux qui n’intègre pourtant pas cette actualité.
L’exposition s’attache à présenter les ressorts qui ont présidé à cette tuerie qui porte un nom: génocide. Un crime contre l’humanité. Pour le maire-adjoint à la culture Françoise Gautry, “cette horreur universelle constitue une tâche indélébile pour l’humanité tout entière et doit être une source d’interrogation, de réflexion pour chacun d’entre nous.”
“Comment en vient-on à ne plus voir, dans la personne qui vivait à côté de soi, dans le même village, parlant la même langue et pratiquant les mêmes coutumes, qu’un être nuisible à exterminer?“, questionnait-t-elle hier soir lors du vernissage. Un “cafard” indique un panneau pour reprendre l’expression que propageait la radio incitant à la haine. La radio, le vecteur moderne de cette tuerie et la machette, l’outil des plus archaïque pour perpétrer l’ignominie. “Il faut déshumaniser l’homme pour pouvoir le tuer“, commentait Laurent Soutenet, président du conseil scientifique du centre Michelet. Notre proche XXe siècle en est l’illustration: 1904, les Hereros (tribu africaine d’une colonie allemande actuelle Namibie); 1918, les Arméniens; 1941, la Shoah; 1994, les Tutsis… Autant de génocides. Une expo “Pour ne pas oublier mais autant pour ne pas perpétuer” , a écrit un visiteur sur le livre d’or de l’exposition.
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Le génocide des Tutsis au Rwanda, au musée Edmond Michelet, 4 rue Champanatier. Ouvert tous les jours sauf dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h. Entrée libre. Infos au 05.55.74.06.08. Jusqu’au 18 février 2012. A noter que le musée assure des visites commentées à la demande, pour les scolaires comme pour le grand public.