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Tsiganes : concordances des temps !

Visuel réalisé par les élèves du DAAV sur la semaine pour la mémoire de l'internement des tsiganes

Il y a comme ça des circonstances qui peuvent en dire long sur les phobies ancestrales et les tendances à l’amnésie sélective. Alors qu’en France, en Italie et ailleurs en Europe, on exclut, on expulse roms et tsiganes, hier après-midi à Brive, le collège Jean Moulin a présenté sa “semaine pour la mémoire de l’internement des tsiganes durant la seconde guerre mondiale”. Une semaine qui se tiendra du 18 au 22 octobre et qui sera portée par la classe d’enfants du voyage, appelés à jouer à cette occasion le rôle d’ambassadeurs de leur culture.

Dessin réalisé par les enfants du voyage scolarisés en DAAV au collège Jean MoulinIl s’agit d’une classe un peu particulière. Le terme exact est DAAV pour Dispositif d’accueil des adolescents du voyage. Elle fonctionne ainsi au sein du collège depuis deux ans, uniquement le matin. “Actuellement, ils ne sont que 16 élèves, mais d’ici la fin septembre, l’effectif devrait grimper entre 20 et 25, âgés de 12 à 17 ans. Ils fréquentent l’établissement de quelques semaines à six mois, voire l’année”, explique Raphaël Descamps, le professeur référent, secondé par une aide éducatrice. Le dispositif doit pouvoir offrir une certaine souplesse pour adapter les activités aux besoins des élèves.

C’est dans ce cadre que ces jeunes vont préparer la manifestation qui les concerne au premier chef. “Surtout les plus âgés, ça correspond à leurs préoccupations et nous sommes sur un concept de 3e”, précise le professeur référent. Cette semaine commémorative est impulsée par la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les tsiganes et les gens du voyage). A Brive, elle va se traduire par un programme intégrant exposition, travaux artistiques et projection de films documentaires, suivis de débats. “Ce programme est le fruit d’un gros travail éducatif, mais nous attendons encore quelques aides financières”, souligne le principal Thierry Chazarin.

Présentation de la semaine pour a mémoire des tsiganes internés. De gauche à droite: Nadia Goughdar, aide éducatrice, Raphaël Descamps, professeur référent et Thierry Chazarin, principalOutre l’intérêt pédagogique pour les élèves du DAAV qui la mettent en œuvre, la portée de cette semaine est multiple et très ouverte. D’abord parce qu’ils vont ainsi pouvoir découvrir pour certains et mieux s’approprier pour d’autres quelques pages de leur propre histoire, de leur propre culture. Mais aussi, en devenir les ambassadeurs et la faire partager aux autres élèves de l’établissement comme à l’extérieur. Sans oublier au passage de promouvoir la BD qu’ils ont réalisée l’an dernier et qui leur a valu un 1er prix régional ainsi qu’un succès monstre au sein même des camps.

L’un des principaux temps forts sera mardi 19 octobre la projection publique et gratuite du film Des Français sans histoire avec la participation du réalisateur Raphaël Pillosio (à 19h30 dans la salle de conférence du collège). Deux autres documentaires du même réalisateur, Route de Limoges et Trapas men lé, seront également projetés les jours suivants au sein même des aires d’accueil.

Dessin réalisé par les élèves du DAAV“Le but est aussi de montrer aux gens du voyage l’intérêt que notre collège leur porte et celui d’y scolariser leurs enfants, même si ces derniers suivent par ailleurs des cours au Cned (Centre national d’enseignement à domicile, NDLR)”, estime le principal. “Même lorsqu’ils l’ont quitté, le collège reste pour eux une référence, un point d’ancrage. Même s’ils partent loin, ils nous téléphonent, visitent le blog du DAAV…”

Au delà, cette semaine de mémoire tsigane rouvre une page de notre passé que beaucoup aimerait voir végéter au registre des oubliettes. Faut-il en effet rappeler qu’à peine avant-hier, en 1940, même pas l’échelle d’une vie, le gouvernement de Vichy interna les tsiganes dans des camps dits de “surveillance” sous le seul prétexte qu’ils étaient nomades et donc n’étaient pas semblables aux autres ? Faut-il rappeler que les nazis considéraient ces mêmes tsiganes comme “racialement inférieurs” et que leur destin dans les camps de concentration y fut parallèle à celui des juifs ? Faut-il encore rappeler qu’à Auschwitz furent aussi brûlés entre 500.000 et 700.000 tsiganes ?

Amnésie collective ? Perte de mémoire sélective ? L’histoire, celle avec un grand H comme on dit, nous a largement démontré que la majorité tend à éliminer naturellement la minorité et que les boucs émissaires sont d’autant plus vite désignés en temps de crise. De vieux réflexes humains dont il serait amplement temps de se défaire.

Plus d’infos sur le blog du DAAV.

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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