L'actualité en continu du pays de Brive


“Terezin, l’imposture nazie”: chronique d’un succès

Un documentaire saisissant ouvrira dimanche 27 octobre au Rex le colloque Mémoires juives, destins croisés. Le psychanalyste Philippe Bouret, auteur de La poésie est un art déchirant (Folazil), fruit de l’entretien avec la réalisatrice, nous explique ce que Terezin, l’imposture nazie a d’exceptionnel.

« Le germe de la pensée créatrice ne meurt pas dans la boue et la fange. Même dans pareils endroits, elle est capable de croître et de déployer sa floraison comme une étoile brillant dans les ténèbres. » Ces vers qui ouvrent La poésie est un art déchirant (Folazil), récit de l’entretien de Philippe Bouret avec la réalisatrice Chochana Boukhobza, ont été écrits par Petr Ginz. Un grand poète. Un jeune poète, prisonnier de Terezin, camp de transit par où passait la population juive avant sa déportation à Auschwitz. D’apparence, c’était un camp modèle, la caution des nazis. A l’intérieur, l’horreur.

Le documentaire de Chochana Boukhobza et le livre d’entretien qui s’y rapporte, parlent de « la question de la création en situation de mort imminente », explique Philippe Bouret, son auteur. Le jeune tchèque de 13 ans qui a écrit les vers repris dans l’incipit, est « un immense poète. Jusqu’au dernier moment de sa vie à Terezin, il a fait de la poésie. Il savait que c’était là une liberté qu’aucun SS ne lui prendrait jamais. On ne peut jamais priver un sujet qui lit ou écrit de sa liberté.»

La merveille de ce documentaire pour lui, ce sont les dessins des enfants de Terezin trouvés par la réalisatrice. « Elle les a animés, conférant une présence à ces enfants qui sont morts dans des conditions dramatiques.” Le miracle, c’est que, par sa trouvaille, « la réalisatrice insuffle la vie là où régnait la pulsion de mort. »

Pour Romain Grosjean, directeur du Rex, cette projection est « une manière forte de rentrer dans le sujet de ce colloque. Le travail de montage des archives a été réalisé avec beaucoup de virtuosité. Le documentaire a une manière saisissante de montrer comment le sublime peut naître de l’horreur absolue. C’est un témoignage merveilleux qui stimule notre mémoire et respecte infiniment la mémoire des victimes de la Shoah. »

Le documentaire est le fruit d’une production modeste. Et c’est là l’autre miracle : le succès inattendu de ce film sélectionné dans de nombreux festivals et qui pourrait être en lice aux Oscars 2021 pour le prix du meilleur documentaire étranger. Sans compter qu’il va être coproduit et distribué aux Etats-Unis par le journaliste Benoit Clair. « Il m’a téléphoné et m’a dit que le livre La poésie est un art déchirant suivrait le film dans sa tournée et qu’il les présenterait à la Fondation américaine de la Shoah créée par Steven Spielberg. »

C’est une aventure impensable et inattendue pour l’auteur qui vient juste de mettre un point final à 4 ans de travail et de conversation avec le poète Werner Lambersy. Lignes de fond, du réel du corps au réel de l’écriture (La rumeur libre) est « un essai qui prend la forme d’une conversation avec cet enfant d’une mère juive et d’un officier SS, directeur des jeunesses hitlériennes. Comment un sujet se sort de cette situation ? Par la poésie, dernier rempart contre l’oppression. » C’était déjà vrai à Terezin.

Dimanche 27 octobre à 17h au Rex. La projection (durée : 60 min) sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice animée par Philippe Bouret, psychanalyste et membre du Pen club français, Antoine Spire, journaliste et homme de radio, vice-président du Pen club français et Cécile Oumhani, écrivain, poète et membre du Pen club français.

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

Laisser un commentaire

dix − 8 =