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Pascale Anglès : « Écrire ajoute de la vie à la vie »

Créatrice du prix littéraire Marguerite Bahuet dans le lycée du même nom où elle est professeur documentaliste, poète, romancière… La Briviste Pascale Anglès cultive et partage le goût des mots et la passion des livres. Elle a récemment publié son deuxième roman Chez Rose et Angelina (éditions Lucien Souny) où, entre enquête et quête identitaire, elle faire revivre la célèbre mais controversée famille Laurens et sa splendide villa à Agde.

C’est un heureux hasard qui lui a donné l’idée de planter le décor de son deuxième roman à Agde. « J’étais de passage à Montpellier pour aider ma belle-fille à trouver un logement. » En quelques clics, elle tombe sur un article intitulé « La splendeur des Laurens » dont l’accent tout fidjéraldien n’échappe pas à la romancière.

« Après avoir fait paraître Les petites étoiles des glaciers aux éditions Lucien Souny en 2016, je m’étais justement mise en quête d’un autre sujet de roman. » Quelque chose qui n’aurait pas encore été écrit. « Ce titre a fait comme un déclic. » Elle est rentrée plus avant dans l’histoire de cette famille et du flamboyant Emmanuel Laurens, jeune étudiant en médecine qui a hérité en 1897 d’une fortune extraordinaire évaluée à 20 millions de francs or. Avec cet héritage, il n’aura pas seulement fait construire la villa Laurens qui allait devenir le joyau patrimonial d’Agde. Il aura aussi défrayé la chronique en s’adonnant à tous les excès : débauche, opium, exubérance ont de tout temps fait jaser dans la ville, en tout cas jusqu’à ce que la décadence succède à la splendeur, plongeant cette famille dans la honte et l’oubli.

Pascale Anglès ne s’y est pas trompée. Elle a d’emblée senti le potentiel romanesque de cette villa et de son propriétaire et s’est aperçue qu’aucun romancier ou réalisateur ne s’y étaient encore intéressés. Avec l’accord des descendants des Laurens qui habitent Aurillac et qui ont accueilli ce projet à bras ouverts, la romancière a décidé de redonner vie à cet esthète et sa villa. « Ses descendants ont ouvert pour moi les albums de famille, du pain béni pour la romancière que je suis. J’ai également pu lire les carnets de voyage d’Emmanuel Laurens et sa correspondance amoureuse avec une cantatrice. » Elle les a même recopiés page après page avec respect et émotion. Un travail fastidieux qui lui a permis de s’imprégner totalement de son personnage.
Pascale Anglès s’est aussi vue ouvrir les portes de la villa à Agde qu’elle a pu visiter par une journée d’août avec Felix Laurent, chargé du patrimoine et de la villa Laurens. « Mon imagination a fonctionné à plein dans ce lieu onirique encore habité par les fantômes du passé. »

Nourrie de tout ce matériel romanesque, elle s’est finalement lancée dans l’écriture. « Je regrette de ne pas avoir pas pu tout partager dans le livre, mais il a fallu faire des choix sinon il aurait fait 500 pages ! Je n’ai par exemple pas creusé le goût d’Emmanuel pour les sciences occultes. » En outre, dès le début, la romancière savait qu’elle n’écrirait pas une biographie du flamboyant dandy mais un roman. Elle s’est donc attachée à auréoler toute cette histoire de fiction.

Pour ce faire, elle a inventé le personnage de Laura, jeune et impétueuse journaliste au Midi Libre qui, en remontant le fil de la disparition soudaine de son grand-père des décennies plus tôt, va faire resurgir du passé toute l’histoire de la famille Laurens. Dans cette enquête menée tambour battant entre hier et aujourd’hui, les nerfs du lecteur sont mis à rudes épreuves car l’auteur distille les indices, ménage ses rebondissements, parfait ses descriptions minutieuses et lumineuses de la villa, prenant un plaisir manifeste à retarder ou suspendre les révélations. « L’écriture a été jubilatoire, confirme Pascale Anglès, mais aussi fluide et jaillissante. » Elle touche du bois pour que cela dure ainsi ! « Mais ensuite je relis beaucoup ; à haute voix, on entend mieux et je suis très reconnaissante à mon éditrice qui m’a aidée à trouver la bonne cadence.»

Ce travail romanesque, Pascale Anglès y consacre ses vacances. « Ces matins-là, je suis contente de retrouver mes personnages, c’est exactement comme si j’avais rendez-vous avec des personnes. Ecrire ajoute de la vie à la vie. L’écriture est une fenêtre ouverte. » Fenêtre qu’elle n’est pas prête de refermer de sitôt. « J’ai déjà écrit 150 pages de mon prochain roman. » Le point de départ, un quidam croisé par hasard dans une librairie des Alpes de Haute Provence. « Vous devriez écrire sur les foires aux instituteurs », lui souffle-t-il. « En creusant le sujet par curiosité, je me suis aperçue que Hugo en parlait dans Les Misérables et que le sujet, peu exploré, méritait en effet qu’on s’y intéresse.»

Étonnamment, il y est encore question de transmission… Ce même mouvement qui l’habite au quotidien au lycée, la raison pour laquelle elle a créé le prix Marguerite Bahuet. Pour celle qui écrit de la poésie depuis l’adolescence et qui s’est mise au roman sur le tard : « L’écriture est un chemin. On écrit aussi pour rencontrer l’autre. » Qu’il s’agisse de sortir un Laurens de l’oubli, d’émouvoir un lecteur ou de donner envie à un jeune d’écrire ou de lire, de lui passer le relais…

Jennifer BRESSAN, Photos : Diarmid COURREGES

Jennifer BRESSAN, Photos : Diarmid COURREGES

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