L'actualité en continu du pays de Brive


Ma vie au temps du confinement avec Philippe Bouret, psychanalyste (1)

Et vous, comment vivez-vous le confinement ? Nous posons la question à des Brivistes de tous horizons confinés à la maison ou à leur poste de travail par nécessité. Infirmier, artiste, caissier, sportif, enseignant, cuisinier, routier… Et nous avons commencé par Philippe Bouret. Le psychanalyste, touché lui-même par le Covid 19, livre ici son regard sur le confinement, ses conseils pour mieux le vivre mais aussi son espoir et sa conviction. Il en est persuadé, plus rien ne sera comme avant et dans le monde post Covid 19, les artistes ont un rôle fondamental à jouer…

Il a fermé son cabinet le 16 mars. « Une décision citoyenne », tranche-t-il. « Je n’avais alors aucun symptôme mais je voulais protéger mes patients et me protéger moi-même de toute contamination. Le lendemain, mon épouse a développé les premiers symptômes. » Grands frissons, fièvre, courbatures, immense fatigue, toux puis perte du goût et de l’odorat… Il sera touché quelques jours plus tard. « Le virus s’est invité à la maison alors qu’il n’avait pas été invité. J’ai appelé mon médecin traitant. Les symptômes étaient assez évidents, il a fait un diagnostic par téléphone. » Présentant un état stable et ne souffrant ni de pathologie chronique ni de trouble respiratoire, le seul traitement préconisé fut le repos à domicile.

Des raisons d’être optimiste

« Ce virus figure une rencontre avec un réel totalement impénétrable auquel on se cogne. » Il nous met face à notre fragilité, notre vulnérabilité, explique Philippe Bouret. Il fait naître une anxiété : qu’est-ce que sera l’après ? Mais aussi « une étincelle. Peut-être allons-nous être amenés à inventer quelque chose de nouveau, à aller à l’essentiel et à rejouer une partie de nos relations humaines. Entre voisins, on s’appelle, on fait plus attention à l’autre. Je suis assez optimiste sur la manière dont cette crise pourrait revivifier la vie de quartier. Et j’ai une conviction, c’est que rien ne sera jamais plus comme avant. »

Dans ce contexte, l’adresse à l’autre est, pour le psychanalyste, tout à fait déterminant. « On le voit par exemple sur les réseaux sociaux où fleurit beaucoup de créativité. » De nombreux artistes connus ou anonymes offrent une lecture, un concert. C’est ce qu’il a spontanément fait lui-même aussi en proposant des lectures, « sans commentaires ni baratin ». A l’origine de ce geste pour lui, il y a cette citation d’André Breton : « L’amour, c’est quand on rencontre quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles. » Il poursuit : « Lacan ne dit pas autre chose en écrivant: « Quand on suppose un savoir à quelqu’un, on l’aime. » A travers ces lectures, ces concerts, je viens vous demander de mes nouvelles, explicite-t-il.

Remède au confinement

Dans ce confinement, il est essentiel pour lui de garder du lien avec les autres en prenant des nouvelles de ses proches. «Face à la multitude d’informations parfois contradictoires, il est important de resserrer quelque chose du côté du particulier en faisant circuler la parole tout en se réservant des moments d’isolement”, et ce, en fonction des possibilités de chacun car toutes les situations de confinement ne s’y prêtent pas aisément. « Et si on ne se sent vraiment pas bien, il ne faut pas hésiter à appeler un psy. J’ai toujours des rendez-vous téléphoniques réguliers avec des patients pour lesquels j’estimais que c’était important. Pour les autres, je leur ai laissé libre choix de m’appeler ou pas. Mais je n’ai pas pris l’option de la téléconsultation. Il faudra tirer des enseignements de cette expérience mais je ne souhaite pas que ce fonctionnement fasse école. Le but est pour moi de retrouver mes patients en tête à tête… S’ils reviennent ! Car c’est là aussi une inconnue. Comment les gens se comporteront une fois que le confinement aura été levé ?”

Une certitude qu’il a en tout cas, c’est le rôle de l’art dans ce monde de l’après Covid 19. « Pour s’en sortir il faudra miser sur les artistes et pas seulement les financiers et les relanceurs d’économie. L’artiste a l’expérience de la création à partir de rien. Et après la crise, c’est de là qu’on va repartir, de zéro. Les artistes savent faire cela, tout créer à partir de rien, de leur seul désir. »

 

 

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

Laisser un commentaire

20 − 6 =