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Les voyages imaginaires de Maria Jalibert

Bric-à-brac, son sixième livre jeunesse réalisé en solo vient de paraître. Installée à Saint-Pantaléon de Larche, l’auteur illustratrice a gardé cette âme d’enfant qui fait fi des codes établis. Un personnage à part qui colle, découpe, agence, bricole… En un mot, Maria Jalibert crée à partir de tout et de rien. Ce drôle de Merlin l’enchanteur règne sur un peuple de jouets délaissés auxquels elle a redonné sens dans ce dernier album.

Bric-à-brac… le qualificatif pourrait aussi s’appliquer à son atelier installé juste à côté de la maison familiale à Saint-Pantaléon de Larche. Partout, des dizaines et des centaines de jouets, des lots disparates de petits soldats plus ou moins rescapés de guerres innocentes, d’animaux évadés de la ferme, de la brousse ou de la préhistoire, d’araignées de farces et attrapes, de dînettes en ruptures de service, de trucs roses et d’improbables bidules jaunes à ne plus savoir où donner de la tête. Un monde de joujoux sans prestige, faits de toc et de plastique, qui ont pourtant peuplé des enfances révolues et que Maria Jalibert a extrait de greniers, vide-greniers ou brocantes.

Maria n’est pas collectionneuse. Elle garde tout, c’est différent. Ses souvenirs de famille tout autant que ceux des autres. Elle accumule beaucoup. Et complète à l’occasion: “J’ai commandé par internet un lot de 500 jouets Kinder, sans leurs œufs bien sûr”. Elle met tout en boîte aussi. Des boîtes de pâtisserie sur lesquelles on peut lire “Cornes à l’endroit, plumes à l’envers”, “Haut les mains”, “Sucré”, “Diagonale”… Autant de jouets classés selon une logique d’apothicaire. Toute cette substantifique manne vient nourrir l’imagination de l’artiste.

Dans ce bazar de l’inutile, la jeune femme règne en Merlin l’enchanteur sur un peuple inanimé auquel son inspiration sans frontière va redonner sens. Elle voyage ainsi Maria, à travers les objets, les techniques et les matériaux. Toujours en partance. À l’origine, l’illustratrice devenue auteur à part entière avait d’ailleurs installé son atelier dans une caravane amarrée dans le jardin. Aujourd’hui, c’est au rez-de-chaussée d’un ancien transformateur relooké par son compagnon designer, qu’elle “transforme” avec une patiente énergie. “Je ne m’enferme pas dans un style. Pour Bric-à-brac, c’est la matière qui a commandé… c’est très difficile de raconter une histoire avec des jouets figés dans leur expression.”

Alors, elle joue à sa façon Maria, avec les couleurs, les oppositions, les jeux de mots… Assemble par famille, photographie l’ensemble, réagence… Un livre à peine sorti, la voila déjà aspirée par de nouveaux horizons. “J’ai plusieurs projets en même temps.” Son prochain album est déjà en gestation. Les jouets y sont encore du voyage, mais cette fois elle veut jongler avec eux sur les bruits. “Aïe, Pan, Hue… Ça peut ne pas aboutir. Je n’ai pas de ligne préétablie.” Maria surfe sur l’aventure, se fond dans ses méandres. “Pour moi, c’est un besoin de faire quelque chose de mes mains, elles me guident dans mon travail, je laisse faire le hasard et je m’aperçois après que cela a du sens.”

D’un album à l’autre, elle innove ainsi, invente, cherchant le meilleur moyen d’exprimer sa sensibilité multiple. Elle aurait d’ailleurs bien tort de ne pas se fier à ce qu’elle dénomme “hasard” et qui jusqu’ici lui a bien souri. “J’ai toujours été sensible à la littérature jeunesse, même en grandissant.” Petite, elle s’est nourrie des premiers J’aime lire ou Pomme d’Api. “La création m’intéressait.” De là, les Beaux-arts à Toulouse – “pas forcément adaptés”, puis un DUT des Métiers du livre pour finir par travailler dans une librairie.

C’est en suivant son compagnon que cette Castraise arrive à Brive et c’est en attendant son premier enfant qu’elle a l’idée avec une amie d’un drôle d’abécédaire bestiaire: Yack’à lire de A à Zèbre. Une bonne étoile veille sur les planches qui deviennent album en 2000. Son premier livre. Suivront à deux ans d’intervalle Oulala (épuisé) puis en série pour des plus grands, Les voyages d’Hyppolite Polidarius, Le carnet de Théo, La balade de Céleste Roselière. “Je voulais aborder le voyage sous trois formes différentes: la correspondance, le carnet et la contemplation. Ce ne sont pas forcément des livres faciles.” Maria Jalibert aime par-dessus tout enchevêtrer les genres – “c’est ma grande liberté”-, avec une imagination qui n’a d’égale que sa discrétion.

Elle croque ainsi la vie, la sillonne par des chemins détournés. Faisant fi des écoles et des codes établis… un peu comme les enfants dont elle apprécie beaucoup le voisinage. “Ils ont un regard surprenant, sans concession… Par leur comportement, ils m’amènent une sorte d’inspiration.” D’abord les deux siens “mon premier public”, aujourd’hui 15 et 11 ans, bercés dès leur plus jeune âge par l’artistique ambiance parentale. “Ils sont une aide précieuse. Je les embarque à Emmaüs pour trouver des sujets, ils apportent leur pâte.” Il y aussi tous ceux qu’elle rencontre à l’occasion des ateliers qu’elle anime dans les écoles ou les centres de loisirs. À la foire du livre aussi qu’elle a connue comme bénévole, puis salariée, puis très vite auteure.

Vous pouvez également consulter son blog: http://mariajalibert.over-blog.com.

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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