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Les Femme(s) sortent de leur réserve

Avec la réouverture des musées, vous pouvez enfin visiter à Labenche l’intégralité de l’exposition Femme(s). Son titre conjugue le singulier pluriel pour offrir à travers des portraits féminins méconnus un regard pertinent sur notre société. À voir exposition jusqu’au 28 septembre 2021.

Cette huile sur toile qui sert d’affiche à l’exposition, est l’œuvre du célèbre peintre orientaliste et portraitiste mondain Benjamin Constant. Elle date de la fin du XIXe siècle. Cette femme au regard hautain serait Rosanda Isabel Campbell. L’exposition est constituée en partie de la collection rassemblée par cette famille.

C’est une exposition exceptionnelle que le musée Labenche avait préparé de longue date. Tout était en place depuis la mi-décembre, mais la crise sanitaire est venu perturbé l’ouverture. Depuis, les 75 portraits féminins se dévisageaient dans un étrange silence figé. Ils « confinaient », en espérant le meilleur des avenirs proches. Pour vous faire patienter comme pour vous appâter, le musée avait décidé de “faire le mur” et de présenter onze portraits au pied de la collégiale Saint-Martin.

Cette exposition est remarquable à plus d’un titre: par son sujet, par l’angle abordé, le travail qu’elle a nécessité et la réflexion qu’elle soulève. Comme l’exposition précédemment consacrée aux oiseaux, il s’agit d’un de ces grands événements conçus par le musée Labenche à partir de son fond. C’est l’une de ses missions, dans le cadre de son appellation « Musée de France », que d’étudier, restaurer et rendre accessibles ses collections au public le plus large.

« 80% de l’exposition provient de nos réserves », explique sa commissaire Laudine Michelin. « Les femmes constituent l’un des plus anciens et des plus riches thèmes d’inspiration artistique. Et elles sont très représentées dans nos collections, notamment comme sujet de portrait. » La sélection avoisinait d’ailleurs initialement 270 œuvres. Elle s’est progressivement « réduite » à quelque 150 en ne retenant que les personnes pouvant être identifiées, puis à 75. « Ces œuvres ont rarement été exposées, voire jamais. Certaines ont même été spécialement restaurées pour l’occasion. »

Preuve de cette richesse, les objets retenus couvrent une période allant de l’Antiquité jusqu’au siècle dernier. Ils offrent un éventail de styles, techniques et supports, tableaux, marbres, médaillons, photographie, monnaie… Le musée a réalisé un important travail de documentation accompagnant la présentation de ces œuvres, avec des fiches explicatives détaillées, un livret d’exposition (un catalogue devrait également voir le jour). Son approche est tout à la fois esthétique, sociologique et historique. « Nous avons fait de belles découvertes, notamment sur la collection Campbell-Johnson. Ce travail a permis de mettre en lumière le rôle éminemment social du portrait. » À travers lui, on cherche à montrer une certaine image de soi-même, souvent idéalisée. On se fige pour la postérité, en affirmant son pouvoir, son rang.

« La femme est plutôt valorisée comme mère et gardienne du foyer, en accord avec les missions qui lui étaient assignées. À la différence de l’homme, figuré énergique et autoritaire. » N’oublions pas que jusqu’en 1938, la femme était juridiquement mineure. « C’est son père ou son mari qui choisit le plus souvent comment elle doit se faire portraiter, digne et douce. »

Un portrait qui est pendant très longtemps réservé aux élites. Et qui obéit à des codes. Tout au plus la femme pouvait-elle afficher un sourire de mise, juste esquissé, sans montrer les dents, en accord avec les règles de la bienséance. « Il fallait éviter que la femme représentée ne soit perçue comme immorale. Ces portraits sont révélateurs du regard que les hommes posaient sur les femmes et de la place qu’elles occupaient dans la société. Très peu ont également été réalisés par des femmes. »

Toutes ces œuvres nous parlent ainsi de la femme tout autant que des femmes, de l’Histoire tout autant que de leur propre histoire. Certaines ont une notoriété internationale comme l’impératrice Joséphine ou Marie Lafarge à l’origine d’une des grandes énigmes judiciaires.

D’autres sont intimement liées à notre territoire, la maréchale Brune, Augustine Rupin dont le mari fut le premier conservateur du musée de Brive… Certains portraits s’affichent en format monumental, d’autres utilisent des supports plus modestes, voire étonnants comme ce bon point publicitaire sur lequel figure Jane Dieulafay, célèbre exploratrice. Dans cette galerie ô combien féminine, trois portraits d’hommes viennent seulement étayer le propos. Une exposition qui interpelle ainsi notre temps qui a fait du selfie, notre portrait moderne, le révélateur de chacun de nos instants.

Femmes(s), portraits méconnus du musée Labenche. Jusqu’au 28 septembre 2021. Dans la salle d’expositions temporaires du mercredi au lundi de 12h à 18h et dimanche de 15h à 18h. Également côté accueil du musée du mercredi au lundi de 14h à 18h jusqu’au 30 avril et à partir du 1er mai les mêmes jours de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h. Entrée gratuite. Infos au 05.55.18.17.70, sur museelabenche.fr et Facebook.

Autour de l’exposition

  • Des fiches détaillées gratuitement à disposition des visiteurs
  • Un livret d’exposition vendu 2 euros.
Marie Christine MALSOUTE, Photos : Diarmid COURREGES

Marie Christine MALSOUTE, Photos : Diarmid COURREGES

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