Un an que la compagnie du théâtre sur le Fil peaufine son nouveau bébé: un projet hors norme, à la fois audacieux et ambitieux. Celui de mettre en scène la Médée de Sénèque. La date fatidique de présentation du chantier avance à grands pas. Rendez-vous mardi 22 janvier au théâtre du Cloître à Bellac à 15h et 20h30.
“C’est sûr, c’est un projet hors norme mais on y croit à mort!”, pose Séverine Garde Massias, directrice artistique de la compagnie du théâtre sur le Fil qui se prépare à jouer Médée dans une mise en scène de Jean-Paul Daniel. Ce “on”, c’est toute l’équipe de comédiens réunis pour jouer ce classique romain. De Toulouse, Paris, de Limoges ou de Brive, ils vont se retrouver à 9 sur scène. Une première pour la compagnie qui n’a jamais vu aussi grand tandis qu’elle continue de jouer sa dernière pièce phare Zoom où Séverine Garde Massias apparaît seule en scène.
“Avec neuf personnages plateau, tout est démultiplié”, confirment la comédienne et le metteur en scène. “On est là dans un vrai travail de troupe et on marne!” assure-t-elle. Ils marnent, comme elle dit, d’autant plus dur que la compagnie avait décidé d’ouvrir ses répétitions au public, au théâtre de la Grange, fin novembre. “Une manière d’associer les gens à l’aventure”, explique Jean-Paul Daniel. “Ça ne laisse pas le temps aux comédiens de prendre leurs marques. C’est violent. Ça doit leur vriller le ventre.” Les comédiens apprécieront!
Sur scène, face public, ils sont obligés de donner beaucoup et tout de suite sans se laisser décontenancer par certaines petites hésitations avec le texte. Un texte qui a décidé de tout, duquel Sèverine Garde Massias et Jean-Paul Daniel sont tombés en amour. Elle d’abord, il y a plus de dix ans. Le temps a fait son œuvre et c’est un peu comme une évidence que cette pièce s’est imposée à la compagnie, ici et maintenant. “On a conscience que certains nous pensent un peu fous.”
“Avons nous les reins assez solides pour ce classique et le budget de 100.000 euros qui va avec?”, continuent-ils de se demander dans les périodes de doute inhérentes à tout projet. Mais la confiance revient inexorablement, solidement ancrée dans ce texte “tellement juste, bouleversant de fluidité et de justesse. On a tous tant envie de le dire, d’aller le chercher, de le donner”, explique la comédienne. “Avec ses mots en bouche, il suffit de se laisser porter et partir, guidée par le metteur en scène.”
Et c’est sans compter sur le personnage troublant, complexe, énigmatique de Médée qu’on ne peut s’empêcher d’aimer, qu’on arrive aisément à détester mais qui fascine. Qui les a fascinés. Expérience cathartique pour la comédienne: “Je suis tellement éloignée d’elle dans la vie. C’est génial d’aller convoquer des sentiments de l’ordre de l’inhumain!” Déclaration d’amour, côté metteur en scène: “Elle a tout!”
Pour autant, il ne veut pas prendre parti. Tour à tour pro Jason puis pro Médée, ce qu’il veut défendre avant tout c’est la langue, la fureur de cette femme, sa folie fascinante, l’horreur qu’elle suscite. “Je crois qu’on est tous fait d’un peu tout ça. Ça ne parle pas d’autre chose que d’humanité.” Si Jean-Paul Daniel sait où il va, dirige au mot à mot et ne lâche rien jusqu’à ce que ce soit “ça”, les idées fourmillent, vont et viennent, pour la construction du décor. Pour autant, la cage délimitant l’espace de Médée qui va structurer la scène, le jeu et les mouvements des personnages est chose acquise. “Ce grillage renvoie à beaucoup de chose: au monstre qu’on enferme, à la lionne Médée dans sa cage, ou au contraire à un cocon, presque le giron maternel, sans compter que visuellement, je trouvais cette idée intéressante.”
On sait aussi que Miss T, une chanteuse jazzy de la région a enregistré des standards de la chanson d’amour qui seront diffusés, en fond, à certains moments du spectacle. “On a choisi de rester dans l’esprit de la tragédie de l’époque avec par exemple les interventions du chœur et du choryphée qui structuraient l’action des pièces antiques, mais sans s’y enfermer.” Ainsi, on retrouvera, comme à l’époque, des masques sur le visage de certains comédiens. Mais ils seront revus et corrigés façon origami par Vincent Floderer!
Pour le reste, les idées continuent d’affluer, avec les doutes et la crainte d’un contre-sens. Ils savent tout à fait à quoi ils s’attaquent et s’exposent, mais la passion pour cette langue, pour cette Médée romaine l’emporte sur tout le reste. Après avoir été accueillis en résidence à la Grange fin novembre puis au théâtre municipal en décembre, ils finiront leur travail au théâtre du Cloître à Bellac qui co-produit le spectacle et accueille aussi la présentation du chantier le mardi 22 janvier. Là où tout va se jouer, là où ils seront fixés sur l’avenir de leur projet, là où ils sauront si les financements, le nerf de la guerre, vont suivre et faire que ce projet, fou, vive.
Plus d’infos auprès de la compagnie sur leur site.