Depuis septembre, huit patients volontaires, soignés pour des troubles psychiatriques au sein de différentes institutions, prennent part à des ateliers théâtre et danse à Dautry. Le projet, financé par l’ARS, la DRAC et l’hôpital de Brive, donnera lieu à une représentation en février.
Sur la scène du théâtre du centre socioculturel Raoul Dautry, dans le quartier des Chapélies, une troupe de 8 personnes répète chaque mercredi et vendredi depuis le début du mois de septembre. Réunis en cercle, ils débutent l’atelier par un échauffement, avec des étirements, et des vocalises ponctués de nombreux rires. L’ambiance est conviviale, l’investissement de chacun manifeste.
Un atelier théâtre comme on l’imagine en fait. À un détail près. “On s’en fiche de bien jouer mais essayez d’être à l’écoute de ce qui se passe à l’intérieur de vous”, rappelle l’intervenante Josiane Choquet, comédienne et metteur en scène. À l’envi, elle répète : “Prenez votre temps… et amusez-vous surtout !” Si elle insiste sur ce point, c’est qu’elle a, face à elle, des personnes souffrant de pathologies psychiatriques diverses et que, derrière le jeu du théâtre, il est un enjeu de taille.
“J’aime faire rire”, confie Gilbert, un des participants. “Mais, même en faisant rire, il faut que j’arrive à rester moi-même“. Ce qu’il pointe là est essentiel. “Mon rôle est d’accompagner les patients dans leur propre cheminement créatif, de les aider à mettre en forme ce qu’ils ont en eux”, explique Josiane Choquet. “Rien n’est écrit à l’avance. On part de ce qu’ils sont, de ce avec quoi ils arrivent.” Au fil des travaux d’improvisations, essentiels pour apprendre à poser sa voix, placer son corps, s’ancrer dans le sol, émergent les personnages, “une princesse marocaine en visite en France pour un défilé de haute couture”, dans le cas de Sylvie, “un pauvre malheureux qui fait la manche”, pour Gilbert. De cette matière libérée par les patients , Josiane Choquet fait œuvre. Elle met bout à bout leurs propositions en créant des saynètes, chacune liée par un fil rouge: la différence cette année, une thématique choisie par les patients eux-mêmes.
Ce n’est pas la première fois qu’un atelier de la sorte est proposé à des patients suivis en psychiatrie. Eva Balducci, l’éducatrice spécialisée qui coordonne le projet est convaincue de ses bienfaits : “Même si ça a un coût et que le groupe qui en bénéficie est réduit, il ne faut pas se leurrer, jamais il ne leur sera offert à nouveau de vivre pareille aventure.” Aussi, chaque année, le projet est déposé et mis en œuvre… quand il est financé. Il l’a été cette année par l’Agence régionale de santé (ARS), la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et l’hôpital de Brive, en partenariat avec la Ville de Brive qui met la salle de Dautry à disposition.
Autour du théâtre et pour la première fois cette année de la danse, avec Gisèle Gréau, ce projet réunit des patients de différentes institutions entre lesquelles l’éducatrice spécialisée fait le lien : l’hôpital de Brive, le foyer occupationnel de Boulou les roses, le SAMSHA, service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés et le RAVS, réseau d’accompagnement à la vie sociale. Handicap mental, troubles psychiques, dépression, addiction, les patients réunis dans cet atelier souffrent de pathologies diverses mais qui convergent toutes vers une même conséquence : la solitude. En incitant les participants à se retrouver hors de l’hôpital, deux fois par semaine, pour partager une aventure collective, ce projet veut l’endiguer.
“C’est libérateur”, assure Sylvie. “J’ai été hospitalisée à la suite d’une période difficile, pleine de doutes intérieurs. À ma sortie, j’ai demandé à suivre une journée par mois les ateliers artistiques proposés de l’hôpital”. C’est à ce moment-là qu’on lui a proposé d’intégrer le groupe de théâtre. Comme elle, les sept autres patients sont volontaires. Gilbert aussi : “Ça vide la tête, ça permet de décompresser, mais aussi de s’ouvrir et de se découvrir.” Ce projet porte en effet en lui divers bénéfices : “la narcissisation des patients d’abord”, pointe Eva Balducci. “Par leur travail, ils sont reconnus, et à la fin de la représentation, ils seront applaudis. Ils retrouvent le sentiment d’être utiles, ils se rendent compte qu’ils sont capables.”
“On va pouvoir donner ce qu’on a aux autres”, avance aussi Gilbert. “Tout le temps, à l’hôpital comme à la maison, par le biais des infirmiers, ils reçoivent, on s’occupe d’eux. Là il leur est offert de donner”, prolonge Eva Balducci. “D’autre part, l’engagement de six mois que ce projet exige d’eux leur coûte. C’est la raison pour laquelle on demande un accord médical. Le but n’est pas de les mettre en difficultés.” Ni de les brusquer. “On ne les emmène pas là où ils ne veulent pas aller mais il s’agit quand même que quelque chose bouge là où il y a une possibilité de progrès.” Une prise de risque, certes, mais qui vaut, à tout point de vue, ce qu’elle coûte, selon Eva Balducci et Josiane Choquet.