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Des vies narrées à tombeaux ouverts

A l’invitation du Groupe Merci, une centaine de personnes a vécu une étrange déambulation nocturne hier soir, sorte de procession théâtrale. A la lisière de la ville, à la lisière de la vie, il leur a été donné d’entendre ce qui d’ordinaire ne s’entend pas, des mémoires venues d’outre-tombe. Les Treize arches clôture en beauté leur saison avec La Mastication des morts, probablement l’un des spectacles les plus marquants de cette année.

Il se rejoue dans un lieu tenu secret jusqu’à vendredi 17 inclus. Rendez-vous à 20h30 devant l’office de tourisme. Infos et réservations au 05.55.24.62.22 et sur le site des Treize arches.

Devant l’office de tourisme, où le rendez-vous était fixé hier soir, les hypothèses déjà, allaient bon train; de même, dans le bus, chacun y est allé de ses suppositions: “Je pense que nous allons dans un cimetière… Et si c’était à Saint Antoine…”, avance une passagère assurée au vue de la direction prise par le bus. C’est que la destination de cette déambulation nocturne a été tenue secrète jusqu’au dernier moment.

L’arrêt du bus a finalement apporté la première certitude de cette soirée bien mystérieuse. Puis, à l’ouverture du portail, un flot de vivants a pu s’engouffrer plus avant dans l’espace offert et découvrir au terme d’une courte escapade un étrange campement noir dans lequel des corps allongés et inertes sont apparus, saisissante mise en scène de Solange Oswald qui illustre le cimetière de Moret-sur-Raguse, village symbolique inventé de toutes pièces par l’auteur Patrick Kermann. Les vivants ont alors été invités à s’en rapprocher, à circuler entre les corps offerts à tombeaux ouverts.

Drôle d’impression, premiers frissons à frôler la mort de près, à voir ce qui d’ordinaire est caché, fermé: des corps dans leur dernière tenue, leur dernière posture, leur dernière expression. Un silence de plomb pèse alors dans l’espace jusqu’à ce qu’un premier mort prenne la parole. Surprise dans les rangs. Les gens, gênés, se retournent, se rapprochent, s’installent à leur chevet et tendent de plus ou moins près l’oreille sur leurs confessions funèbres. Les morts mastiquent, ils rabâchent, ils rient, ils raillent, ils regrettent. Ils n’ont pas digéré leur vie, leur mort non plus.

Là, un éventail de vies anonymes ou célèbres, héroïques ou désastreuses est donné à entendre: un condensé de siècle, une quintessence d’existences. Tels des papillons vers la lumière, les vivants sont alors attirés vers les morts qui surgissent ici et là, vers ces voix d’outre-tombe qui s’élèvent de-ci de-là. Parmi elles, outre celles des 14 comédiens professionnels de la compagnie Merci, il y a celles d’une dizaine de comédiens amateurs brivistes dont nous avions suivi, voilà quelques mois, la première répétition (c’est à lire ici). Réunis dans la mort, ils auront offert aux vivants d’hier soir deux heures d’une expérience inédite et émouvante, drôle et saisissante qu’il est encore donnée de vivre jusqu’à vendredi soir inclus.

Infos et réservations au 05.55.24.62.22 et sur le site des Treize arches. Tarifs: de 4 à 18 euros.

 

 

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

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