Karine Passier, 41 ans, travaille au centre socioculturel Raoul Dautry. Parallèlement, elle initie ses collègues agents communaux à la Langue des signes française, enseignée aux déficients auditifs. Une communication non verbale qui marche aussi avec les tout-petits, les enfants autistes, les personnes parlant une langue étrangère…
Son métier : AISP, Accompagnatrice en insertion socioprofessionnelle. « J’aide dans tout ce qui est demande administrative, recherche et maintien d’emploi. » Rien à voir avec son bac STI électrotechnique, sa certification en métallurgie et ses débuts dans la logistique. « J’ai finalement valorisé ce que je savais faire dans le domaine familial depuis toute petite en accompagnant mes parents sourds. »
Car depuis sa naissance, Karine dialogue entre deux mondes, ce qu’elle appelle faire « le pont », puisqu’elle vit dans les deux. « À la maternelle, on a détecté tout de suite que je n’entendais pas très bien. » Longtemps, elle a composé avec cette déficience auditive sans que son entourage professionnel s’en aperçoive. « Je fais partie des invisibles, ceux dont le handicap ne se voit pas. » Sa déficience s’étant aggravée, elle est appareillée depuis six mois. « Ça me posait surtout problème en réunion. Je n’arrivais plus à suivre dans le brouhaha ou à prendre des notes car je devais regarder en même temps les expressions de la personne pour essayer de comprendre. »
Depuis 2022, dans le cadre des formations internes, Karine Passier sensibilise également ses collègues de la Ville et de l’Agglo à la LSF, Langue des signes française. « C’est ma langue maternelle et paternelle, celle que j’ai d’abord apprise même si mes parents sont de ces générations qui ont vécu avec l’obligation de parler, d’émettre des sons. » Longtemps pratiquée de manière informelle, la LSF n’a effectivement été reconnue que depuis 2005. « Mon intervention s’articule par session de six demi-journées. Il s’agit de sensibiliser au premier contact, de savoir s’appuyer sur une gestuelle pour interagir avec une personne sourde. Je donne quelques verbes d’action, les couleurs… »
Syntaxe inversée
« La LSF utilise une syntaxe à l’envers par rapport à la langue française. Par exemple, on va signer « rouge est le chat » et pas « le chat est rouge », explique Karine. « En LSF, on va aussi visualiser du plus large au plus restreint. Par exemple, au lieu de dire « le chat est dans le pré », on va signer « dans le près, il y a le chat ». À l’école, en rédaction, j’avais constamment zéro à l’école car je parlais à l’envers. »
L’initiation qu’elle dispense en interne, se révèle rapidement très utile d’après les retours que lui font ses collègues. « Cela peut servir au-delà avec quelqu’un qui ne communique pas avec la langue française. Moi-même, j’utilise la LSF au quotidien avec des gens qui parlent une langue étrangère. C’est un atout dans mon travail. Cette communication non verbale marche aussi avec les tout-petits, les enfants autistes… Le corps, le visage, la posture, les émotions parlent. » Et de rêver qu’une telle initiation, au même titre que celle des gestes de secours, soit généralisée : « La LSF ouvrirait des portes pour tout le monde, sourds, entendants, primo-arrivants, tout-petits, personnes âgées… ». En deux ans, Karine a déjà formé 68 agents. La plupart travaille dans la petite enfance ou les accueils de loisirs.