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Il y a 150 ans, le rail atteignait Brive (1): “Des bêtes de fer aux narines immobiles”

Le livret Centenaire de l'inauguration du chemin de fer à BriveLe 17 septembre 1860 exactement, la première loco à vapeur arrivait en gare de Brive, apportant son lot de changements dans la cité gaillarde. Comme 150 ans auparavant, la ville fête dignement l’événement et distille les bougies de l’anniversaire tout au long des semaines qui viennent. Un lecteur assidu, Bruno Capbal, nous a confié le livret marquant 50 ans plus tôt le centenaire de l’inauguration… Où l’on déniche quelques détails savoureux sur la réalisation de cette ligne consacrée par un discours épiscopal qui y voyait “quelque chose de divin” tout en qualifiant ces trains de “bêtes de fer aux narines immobiles”. De quoi attiser quelques commentaires… Brivemag.fr ouvre donc une série d’articles puisés dans cet ouvrage.

En ces temps-là, point de séparation entre églises et Etat, il faudra attendre la fameuse loi de 1905. Donc en ce jour d’inauguration solennelle, le 30 septembre 1860, discours épiscopal il y eut, prononcé par monseigneur Berthaud, évêque de Tulle. Une allocution fleuve dont Le Corrézien a repris une “petite partie”, pourtant assez consistante, et qui se retrouve dans le livret du centenaire.

Une “brillante allocution” dans laquelle l’ecclésiastique s’abandonne à toute la verve de l’improvisation. L’éminent érudit évoque jusqu’à l’Egypte pharaonique, la découverte du Mexique, les voies romaines, Thucydide et Polybe… pour mieux souligner: “On peut donc être Barbare avec un grand progrès matériel.” Tout en affirmant: “Dieu a déposé dans la matière, dans le monde physique, des lois et des forces. Les études, les travaux de l’homme ont pour but de découvrir et d’appliquer ces lois. Il y a donc dans tout œuvre de l’homme quelque chose de divin (…) et c’est pourquoi l’Eglise apporte sa bénédiction. C’est l’œuvre de Dieu autant que celle de l’homme qu’elle vient reconnaître et consacrer.” CQFD

“Des bêtes de fer aux narines immobiles”

Même si l’évêque reconnait que “sans doute le génie de l’homme éclate ici”, en s’inclinant devant “la supériorité de l’esprit sur la matière”, il n’en qualifie pas moins les modernes locomotives de “bêtes de fer aux narines immobiles”.

Une de ces "bêtes de fer aux narines immobiles"Elles sont bien nues, ces voies de fer! Nudité glaciale pour le cœur. La croix était à tous les angles des vieux chemins (…) Le pauvre, le malade, la veuve et l’orphelin étaient sûrs de rencontrer souvent le symbole du sacrifice et de l’amour, ce gage des futures espérances. Plus rien pour eux, désormais que le spectacle des jouissances du riche.” L’humain y a gagné rapidité dans ses déplacements, mais pour Monseigneur Berthaud “la France est trop belle pour être écourtée de la sorte“. Que ne dirait-il aujourd’hui alors que les voies de communications empruntent des chemins plus virtuelles?

Et de conclure en élargissant le débat sur la naissante exode rurale: “Nous n’avons aucun dessein d’infliger blâme à qui que ce soit, mais que l’on me permette de dire notre pensée toute entière: nous sommes fâchés que les populations paisibles de nos villages aient été conviées à ce spectacle. La grande plaie et le grand danger du temps, c’est que nul ne veut se contenter des habitudes frugales et modestes de la campagne. Tout le monde veut les jouissances frelatées et tumultueuses de la ville. Les campagnes se dépeuplent et les villes regorgent. Ah, n’arrachons pas aux champs les nourriciers du monde.”

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Dans le cadre des festivités des 150 ans, ne manquez pas ce samedi 25 septembre à partir de 21h, Bivouac, le spectacle déambulatoire proposé par Generik vapeur qui vous entraînera de la gare à la place Thiers. Infos sur le site des treizearches.

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Marie Christine MALSOUTE

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