“Au fur et à mesure, j’avance dans ses ténèbres”, a confié Catherine Hiegel aux spectateurs désireux de prolonger l’aventure théâtrale proposée par les Treize arches qui programmait hier soir Une Femme. L’univers de Philippe Minyana, qui a écrit cette pièce pour elle et le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo, est effectivement funeste. Mais comme la vie, il a aussi sa part de grotesque, “à la façon de ces rires éclatant au beau milieu d’un enterrement”, a justement pointé la comédienne.
On reconnaît son profil, ses traits, ses cheveux au premier coup d’œil. Catherine Hiegel, dont la carrière à la Comédie Française et même en dehors, est bien remplie, entame La Femme de Philippe Minyana, seule en scène. Dans la pénombre, juste éclairée par sa voix granuleuse et rauque, articulant une langue stéréotypée parfois versifiée, d’autres fois chantée, elle parle de deuils, de souvenirs. C’est la fin de quelque chose qui se joue sous nos yeux.
Autour d’elle, qu’on nomme Elisabeth, vont tour à tour surgir diverses figures, à commencer par celle du père, en couche-culotte, avec lequel s’instaure une conversation traitant sans ménagement ni pudeur du corps mourant. De chambre en chambre, la veilleuse se penche au-dessus des lits où on pleure, on souffre, on tousse. Elle revoit aussi ses enfants, retrouve une amie, interprétée par Helena Noguerra. “C’est une épopée intime”, décrit Marcial Di Fonzo Bo. De celle qui raconte la femme, l’humanité toute entière.
Dans la pièce, ça parle beaucoup, mais ça ne se comprend pas. “Contrairement à d’autres projets imaginés par Philippe Minyana, là au moins les phrases sont finies, ce qui ne veut pas dire que les personnages se répondent”, explique un peu gouailleuse et pressée d’aller se rafraîchir la comédienne aux frisures d’une blondeur presque blanche. Elle n’en est pas à son coup d’essai avec l’auteur. “C’est la 4e fois que je joue pour lui, qu’il écrit pour moi. J’ai cette chance. Maintenant, on est un peu comme des vieux chiens!”
A l’issue de la représentation, une vingtaine de spectateurs, certains encore sous le coup d’une émotion non dissimulée, sont allés à la rencontre des acteurs . “C’est là la qualité de l’écriture de Philippe que de faire écho en chacun de nous. Il parle, dans les mots comme les silences, à un endroit enfoui chez le comédien mais aussi le spectateur”, partage-t-elle.
Dans Une Femme, le tragique côtoie l’humour, le funeste le grotesque. Une richesse que le public d’hier soir a entendu. “Il y a eu une belle alternance de silences et de rires. Cela a été agréable pour nous que le public se soit permis de rire”, ont souligné les comédiens en pointant la belle écoute des spectateurs… Excepté au début: “J’ai dû attaquer un peu fort pour dire vos gueules.” Rires dans l’assistance. “C’est dommage, d’habitude j’ai des nuances exceptionnelles!”, rigole sans ambages Catherine Hiegel.