Aldo vient tout juste d’avoir 50 ans. Arrivé à Brive en septembre dernier, ce bourlingueur ne se contente pas de solliciter la générosité des Brivistes. Il a créé avec nombre d’entre eux un échange désintéressé. Il faut dire que le garçon possède un magnifique bagage pour alimenter les discussions: une vie hors norme autour de la planète.
“Appelez-moi Aldo!”, lance ce tout récent quinquagénaire à ceux qui veulent bien passer un peu de temps avec lui en bas de l’avenue de Paris. Il tend la main à ceux qui veulent bien laisser choir dans sa paume quelques euros. Mais il leur rend la monnaie de la pièce en discutant de tout et de rien. Parfois de sa vie.
Aldo ne laisse rien filtrer de ce que fut son enfance et son adolescence. A 18 ans, il découvre le monde du travail, et les anecdotes qui vont avec: “J’ai travaillé quelques mois dans le restaurant de Pierre Richard, près du centre Pompidou. J’y passais mes nuits. C’était royal, j’avais 800 m2 en plein Paris. Même Chirac n’avait pas ça!” s’esclaffe-t-il.
Le luxe, les paillettes, la culture s’inviteront de temps à autre dans sa vie. “Quand on est dans un bureau, on n’a pas l’occasion de faire des rencontres. Quand on est dans la rue, c’est différent”. Ainsi, il sera présenté par un ami à Francis Ford Coppola, discutera avec Milan Kundera et deviendra ami avec MC Solaar, qui ira jusqu’à évoquer Aldo dans sa chanson Gangster moderne.
Après 12 ans à voguer de galère en galère, Aldo s’est questionné: “Pourquoi bosser 14 heures par jour pour dépenser le soir ce qu’on vient de gagner, pour recommencer le lendemain?” Il a tout plaqué. “Ce fut une nouvelle naissance. Je savais ce dont je ne voulais plus.”
Les foyers, très peu pour lui. Son sac de couchage, il le posera dans un hall d’immeuble. Puis il rejoindra la célèbre rue du Dragon, symbole de la lutte pour le droit au logement du milieu des années 90. Il y côtoiera Albert Jacquard, Léon Schwartzenberg, et pas mal de célébrités défendant cette noble cause.
“Un jour, à Saint-Germain des Prés, j’ai observé une fille qui faisait la statue. Les gens lui donnaient pas mal d’oseille. Alors j’ai décidé de faire pareil. Dès le premier jour, ça a cartonné! Je me suis dit que si ça marche autant à Paris, il n’y avait pas de raison que ça ne marche pas ailleurs. J’ai économisé, et je me suis envolé pour New-York. Là-bas, je me suis fait 175 dollars le premier jour!”
Fort du succès rencontré aux States, Aldo n’a plus cessé de voyager pendant des années. Mexique, Indonésie, Japon, Singapour, Brésil, Porto-Rico, toute l’Europe ou presque. La liste serait encore longue. Il a vu la misère, la violence, “les enfants de Mexico exploités, ou ceux de Bari, pistolets à la ceinture”, mais a aussi vécu des moments magiques. “Florence, son David de Michel-Ange, une des plus belles émotions de ma vie”.
Malte sera sa dernière escale, il y a 2 ans. “Les gens donnaient de moins en moins, ça devenait vraiment difficile. J’ai donc “désoclé” la statue pour de bon”.
En septembre dernier, Aldo comptait rallier Toulouse au départ de Poitiers. Pas assez d’argent. Il débarque sur le quai de la gare de Brive. D’abord un peu refroidi par la ville désertée le soir de son arrivée, Aldo fut vite réchauffé: “Les Brivistes sont souvent très sympathiques. Il existe des personnes d’une extrême gentillesse ici. On passe me voir, on discute avec moi. Peu importe qu’on me donne quelque chose ou pas, ça n’est pas le plus important”.
Nul ne sait combien de temps Aldo restera à Brive. Désormais accompagné de sa Capucine, il dit, après avoir fait la statue, être devenu “montreur d’animaux”. Un propos qui, comme pas mal de ses phrases, sera ponctué d’un large sourire.