Le Festival du cinéma de Brive marquera ses 20 ans la semaine prochaine, du 3 au 8 avril. Le seul en France qui donne plein champ au moyen métrage. Une aventure déroulée sur tapis rouge. On vous raconte l’histoire.
« Gaillarde est la nouvelle garde », affirmait en 2013 Le Monde sur le Festival de Cannes. La double page nationale vantant la manifestation briviste avait fait sensation sur la Croisette autant qu’en terre corrézienne. Il n’avait pas fallu dix ans au rendez-vous gaillard pour gagner cette réputation de révélateur de talents portant la bannière d’un format méconnu, mais sans cesse revisité par des générations de réalisateurs comme étant celui « d’une vraie liberté artistique », vante Maguy Cisterne, secrétaire générale du Festival.
Moyen métrage… un format un peu bâtard dans le cinéma qui ne reconnaît officiellement que le court et le long de part et d’autre de la frontière de l’heure, le premier se cantonnant souvent dans des 30 minutes facilement diffusables et le second poussant à étirer le propos pour épouser la distribution en salle. Entre, fleurissent tous ces « courts longs », dont la durée oscille entre 30 et 59 minutes, nombreux, mais délaissés par les salles et même par les festivals de courts dont ils relèvent, car réputés plus difficilement programmables. Bref, il existe ce « territoire de la marge » où ont pourtant toujours poussé, comme du chiendent, des chefs-d’œuvre de renom, tel Partie de campagne de Renoir pour n’en citer qu’un.
« Le moyen métrage n’est pas la pépinière du long. C’est le sujet et son traitement qui commandent le format et non les exigences de la diffusion. C’est toute la difficulté du cinéma qui est à la fois art et industrie. Nous, nous nous battons contre l’uniformisation liée au prix du billet et pour la liberté d’expression de l’artiste, le réalisateur. » C’est cet esprit qu’ont voulu porter les initiateurs de la manifestation.
Son lancement en 2004 relève d’un vrai défi. Il aura fallu la conjonction de deux aspirations : celle d’une profession cherchant à valoriser ce format émancipateur et celle d’une ville en quête d’un festival identitaire. Ville par ailleurs forte depuis dix ans d’une option cinéma audiovisuel performante au lycée d’Arsonval qui commençait alors à « produire » ses premiers réalisateurs (Sébastien Bailly, Antoine Parouty, Hélier Cisterne…), d’un Rex classé parmi les meilleurs cinémas art et essai de France depuis fort longtemps, d’un pôle d’éducation aux images, Les Yeux Verts, bien implanté dans une région déjà terre de nombreux tournages. Ainsi émergèrent les Rencontres du moyen métrage créées, au sein de la Société des réalisateurs de films SRF, par Katell Quillévéré et Sébastien Bailly, le même passé par d’Arsonval.
Le succès du Festival soutenu par de nombreux partenaires, en tête d’affiche la Ville de Brive, est d’avoir su s’ancrer et se développer à la fois dans la profession et dans son territoire. Se côtoient ainsi une compétition très sélective, devenue européenne en 2010 puis internationale en 2018, et une programmation touchant tous les publics, le grand, le cinéphile et le scolaire avec une fréquentation chaque année en hausse : plus de 6 000 entrées en 2022.
« C’est un véritable lieu vivant d’échanges entre et avec les cinéastes. Le Festival a révélé des auteurs, ça a donné de la visibilité au moyen métrage et aussi élargi sa diffusion au sein des autres festivals », se félicite Maguy Cisterne. Car la production dans ce format est énorme. D’autant qu’un seul critère prime à concourir : « que le film produit dans l’année fasse entre 30 et 60 minutes ». Pour le reste, tous les styles sont permis : fiction, documentaire, expérimental… « On reçoit en moyenne 300 films français de l’année. Avec les internationaux, on atteint les 500. » La sélection est sévère puisque seulement une vingtaine est projetée en compétition au Rex.
Autour de ce cœur du Festival se greffent depuis l’origine rétrospectives, thématiques, carte blanche, montrant que le format a toujours existé chez les plus grands, des tables rondes professionnelles « avec, c’est unique à Brive, un dialogue entre deux cinéastes sans modérateur », un ciné-concert avec, là aussi, l’originalité d’une création musicale demandée à un compositeur…
Les jeunes générations sont totalement associées à l’événement. Le Festival programme depuis sa création des séances scolaires. Des séances adaptées par niveau (écoles, collèges et lycées) et présentées au Rex par Les Yeux Verts, pôle d’éducation aux images de Nouvelle-Aquitaine. Cette année, les écoles maternelles, de la petite à la grande section, auront droit aux Héroïnes de six courts métrages qui font la part belle à tous les imaginaires. Les écoles élémentaires, du CP au CM2, pourront découvrir La Reine des neiges, la première, réalisée en 1957 bien avant le « libérée, délivrée » de Disney, une adaptation d’une grande poésie, fidèle au conte d’Andersen. Les collégiens auront Ça Cartoon !, une plongée dans l’univers burlesque des cartoons de l’origine à nos jours (avec avant ou après un atelier BDéballage à la médiathèque), et les lycéens ont rendez-vous avec le cinéma d’Éric Rohmer. Depuis 2018, le Festival a également intégré un jury jeunes composé de Corréziens âgés de 14 à 18 ans.
L’ancrage territorial est profond. Il s’est encore concrétisé il y a deux ans par un lien tissé avec la manifestation phare de Brive, la Foire du livre : une résidence d’écriture de scénario adapté d’une œuvre littéraire, « Livre au ciné ». Le scénario des Rencontres internationales, lui, continue de s’écrire au fil des ans. « Pour les 20 ans, on va inviter des gens qui ont marqué le Festival », annonce sa secrétaire générale. Alors, clap sur la 20e !