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Un slam pour expliquer la schizophrénie

Schizo. Derrière le raccourci qui catalogue et qui dérange, il y a les parcours d’Antoine, Sarah, Marco, Jessica, Sylvain, Mitantsoa… Et les souffrances qu’ils ont voulu expliquer à travers un slam intitulé Le combat de ma vie. Un projet original porté par les patients du centre de réhabilitation Val’Horizon à Brive. Leur clip, présenté cet été en ouverture du festival de Chanteix et tourné avec l’appui des Studios de Brive, a touché le public. Il est désormais disponible sur Youtube en suivant ce lien. Prenez le temps de le visionner.

  • “Je suis qui? Je ne sais plus, je suis perdue… Tout me semble confus, les gens me regarde bizarrement, j’ai peur de leur jugementJ’entends des voix, personne n’est là, je vois des choses qui n’existent pas…”

Leurs mots effleurent LE mot, autrement désigné par “maladie”, “fardeau” et “combat”. Comme pour ne pas être justement réduits à cette pathologie qui les dépasse. Ces mots sur des maux, ce se sont ceux des patients de Val Horizon, le centre de réhabilitation psychosociale situé rue Émile-Pagnon à Brive. Géré par le centre hospitalier du pays d’Eygurande, cette structure accompagne des adultes cliniquement stabilisés dans leur projet de reprise d’activité. En complément des soins psychiatriques, le centre leur propose divers activités. Une autre manière d’aborder le soin, de libérer la parole. C’est d’un sketch présenté en décembre par trois patientes qu’a germé l’idée de répondre à un appel à projet Culture et santé.[

  • “Je sais bien au fond de moi que ça ne tourne pas rond. Comportement différent, je ne gère plus mes émotions, j’ai peur qu’ils ne me comprennent pas, me mettent dans une case, m’assimile à une maladie, oublie la personne que je suis…”

Écrire un slam pour expliquer cette maladie qui leur est, comme ils disent, “tombée” dessus. Il s’agit en effet d’un trouble psychotique chronique, apparaissant au début de l’âge adulte, caractérisé par une distorsion de la pensée et de la perception faisant perdre le contact avec la réalité. Chaque “usager”, comme ont les appellent au centre, a écrit quelques chose, un bout de ce qu’il vivait au quotidien, chacun y a mis de son ressenti, de son parcours, le message qu’il voulait faire passer, l’apparition des symptômes, l’incompréhension, le déni, l’espoir aussi si ce n’est d’en guérir, au moins de se sentir mieux…

  • “Y’a des bruits, y’a des rires, je crois que je délire, le désespoir me guette, je ne sais pas où me mettre. Tout me semble sombre, j’ai même peur de mon ombre… “

Une quinzaine de patients ont ainsi participé à la démarche, à l’écriture, au slam, à la chorégraphie, au tournage… jusqu’à la réalisation de la pochette d’un CD. En six mois, le projet a pris de l’ampleur, entrainant dans son sillage l’ergothérapeute au piano, l’infirmier à la batterie, l’assistante sociale dans les pas de danse…  Le projet a conquis aussi des professionnels extérieurs qui ont accompagné la réalisation. Marie Lanai, danseuse de la compagnie Koubi, a mis les mots en mouvement. La Ville a mis à disposition ses Studios pour l’enregistrement du slam qui pourrait être de Grand Corps malade.

  • “Pourquoi, je ne me reconnais pas? Étrangère à mon corps, tout est en désaccord. Je grossis, je maigris, je souffre d’insomnie. Des cauchemars qui me hantent, des idées débordantes, j’sais plus où mettre ma tête, franchement, c’est pas la fête… Mes amis sont partis, ma famille aussi. C’est le vide autour de moi. Plus personne ne me croit. J’ai beau lutter, tenter de me relever, j’y crois plus, j’ai plus de but, voilà la rechute.”

Au final, cela donne certes un clip très bien fait, mais aussi un making off qui témoigne de tout ce qu’il leur a fallu dépasser pour se livrer. Qui amplifie aussi le sens du projet: casser les préjugés car le mot fait souvent peur. “Notre but est d’en parler librement, ne pas se sentir juger, juste être nous”, explique l’une d’eux. “Aujourd’hui, il est temps de parler de nous.” Et à nous autres aussi, de changer notre regard.

  • “Maintenant je me soigne avec une certaine hargne. Dans l’espoir d’un meilleur avenir, je choisis de ne plus subir. Ma maladie, le fardeau, mais je ne désespère pas… Ma maladie, mon fardeau, mon combat, elle ne me définit pas.”

 

 

 

 

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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