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Vincent Dedienne, avant qu’il ne devienne Arlequin qui ne devienne Dorante…

Le comédien n’a pas encore revêtu le costume d’Arlequin, personnage parmi les plus savoureux de la pièce de Marivaux Le jeu de l’amour et du hasard. Il n’est pas encore non plus le Dorante de cette comédie de 1730 qui trouve son sel dans l’inversion des rôles entre maitre et valet. Dans sa loge, deux heures avant de monter sur scène, il est en Vincent Dedienne, même sourire chaleureux et même délicatesse vus à la télé. Mis en scène par Catherine Hiegel, c’est l’un des spectacles programmés par la scène nationale L’Empreinte les plus attendus de cette saison au théâtre de Brive. Voilà longtemps qu’il affichait complet pour la représentation d’hier comme de ce soir. Rencontre.

Brivemag: Invité de l’émission Quotidien lundi soir, Gérard Depardieu expliquait à Yann Barthès qu’un comédien, pour bien jouer, ne devait pas penser. Pas même savoir ses répliques avant de les dire… Cela vous inspire quoi ?

Vincent Dedienne: Gérard, c’est le meilleur! Cette idée qu’il ne faut pas être cérébral mais animal, presqu’un enfant, me plaît bien. C’est très beau. Je pense que c’est avec le temps, l’expérience…

Brivemag: C’est une pièce finalement assez désespérante par-delà la vivacité de sa langue et son humour… les dés de l’amour et du hasard vous semblent-ils aussi pipés hier qu’aujourd’hui ?

Vincent Dedienne: Le hasard a pris du plomb dans l’aile avec les réseaux sociaux, la géolocalisation. Mais de tout temps, l’amour reste l’entreprise la moins logique, la plus soumise aux vents contraires et c’est bien comme cela.

Brivemag: Vous êtes né à Mâcon, ici on est à Brive… Que diriez-vous à un jeune Briviste qui cultive, comme vous le cultivez depuis tout jeune, le goût des mots et du théâtre mais qui se sent éloigné de ce monde-là ?

Vincent Dedienne: De ne pas se sentir si loin car d’abord, il y a des trains ! De cultiver son imaginaire et sa différence car c’est ce qui fera sa force un jour ou l’autre. Puis, vivre et grandir en région est une grande chance, cela protège… D’autant qu’on peut s’adonner à la lecture et au cinéma même loin de Paris. Puis la contemplation, c’est bien aussi!

Brivemag: Que diriez-vous à un ado qui souffle à l’idée de lire Le jeu de l’amour et du hasard ?

Vincent Dedienne: D’abord qu’il a raison ! Le théâtre n’est pas fait pour être lu mais pour être vu et entendu, pour être incarné. Je lui dirais de venir ce soir ! Et que cette pièce est toujours d’actualité. Quelque chose qui serait écrit cet après-midi pourrait être moins contemporain que cette pièce. Elle résonne très fort et parle d’amour, de politique, de classes sociales. C’est vertigineux de constater à quel point les choses ont si peu changé.

Brivemag: Quel est votre tirade, votre moment préféré de la pièce ?

Vincent Dedienne: Le moment qui me touche le plus c’est quand Arlequin vient de dévoiler sa condition de valet à Lisette et d’apprendre la sienne. Il se retrouve le dindon de la farce de son maitre Dorante mais lui annonce qu’il va quand même la demander en mariage. Dorante ne croit pas au mariage de son valet avec celle qui pense être maîtresse: “Comment ! elle consent à t’épouser ?” demande Dorante. “La voilà bien malade”, répond Arlequin. Tout est là. Il pense être monté très haut, accéder à la fortune, s’extraire de sa condition et, en quelques secondes, il fait le chemin inverse mais il est encore capable de faire de l’esprit. Cette pièce parle aussi d’illusion, d’ambition et d’espoir. Soir après soir, je continue d’y découvrir des choses que je n’avais pas encore entendu.

Brivemag: Vous avez un rituel avant de monter sur scène ?

Vincent Dedienne: Je vais dormir un peu puis m’habiller, me maquiller et me parfumer. J’aime bien trouver le parfum des personnages. J’en ai un pour chaque rôle, comme un costume. Pour Arlequin, j’ai trouvé Les fleurs du déchet d’État libre d’orange qui, avec sa fragrance d’agrumes moisis, exhale une poésie du rien qui va très bien à Arlequin.

 

 

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

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