Louis-Bernard Robitaille déroule paisiblement depuis la mi-octobre sa résidence d’écriture à Brive, entre création de son 7e roman, “rattrapage cinématographique” et douceur de vivre. Une expérience inédite pour cet auteur d’origine québécoise qui avoue se retrouver “en apesanteur”, dans un climat propice au travail. Avant son départ, il animera une rencontre jeudi 10 décembre à 18h à la librairie La Baignoire d’Archimède. Un personnage à l’esprit malicieux qui aime se laisser porter par le fil volatile de ses pensées.
Pour travailler ses précédents romans, ce Parisien d’adoption avait déjà l’habitude de déménager, de quitter la capitale pour un lieu plus en retrait, “mais où je connaissais des gens”. La nuance n’est pas insignifiante : avec cette résidence, l’auteur a opté pour un peu plus d’anonymat.
De Brive, le journaliste écrivain n’avait qu’une vision furtive, et donc forcément tronquée, laissée par d’éphémères passages professionnels. Il n’aura pas fallu longtemps à cet hôte plutôt loquace pour trouver ses marques. “Aller au café, lire le journal, il y a énormément de terrasses à Brive… et de pubs anglais ou irlandais, c’est étonnant. J’ai fait une bonne cure de films que je n’avais pas vu, surtout Art et essai au Rex. J’ai adoré les collections du musée Labenche sur la vie quotidienne (Arts et traditions populaires, NDLR). Cette ville a une bonne dimension pour quelqu’un qui n’a pas de voiture.” Et lui aime particulièrement marcher, butinant les moments comme le pistil de la vie: “Ici, je suis totalement hors du temps, en apesanteur.”
Dans sa résidence de la rue Jean-Fieyre, point d’effervescence mondaine pour distraire sa créativité. Le lieu est paisible: “Je n’ai que ça à faire, écrire”. Après Péninsule (Noir sur Blanc) qu’il a rédigé en 2 mois et demi – “un record” – et dédicacé à la dernière Foire du livre, l’auteur entame son 7e roman qui devrait paraitre en 2017. “Je suis dans la phase difficile de mettre les premières pierres. J’écris toujours mes romans sans plan”, précise Louis-Bernard Robitaille qui préfère murir ce qu’il appelle “une atmosphère”, quitte à tailler ensuite dans les chapitres ou en changer l’ordre. “C’est le plaisir pervers de créer quelque chose qui n’existait pas. J’en suis encore dans le surplace, mais ça ne m’inquiète pas trop.” Il en aurait déjà le titre, “Diouke”… “peut-être, c’est provisoire”.
Dans ce roman, l’auteur brode sur l’histoire de son grand-père qui abandonna femme et enfants (six tout de même) pour partir aux Etats-Unis. “Cette histoire a existé mais elle est évidemment romancée”, relativise le descendant qui s’amuse d’un clin d’oeil involontaire: le berceau de sa singulière famille n’est autre que Joliette, la cité québécoise justement jumelée depuis 30 ans avec Brive. Une coïncidence troublante, mais tout à fait indépendante de la venue du protagoniste en résidence. “Mon arrière-grand-père était grand pharmacien de la ville, genre une officine sur 3 étages. C’était le premier en ville à avoir le téléphone”, raconte le rejeton.
Pour cet auteur toujours porté par le fil volubile de ses pensées, impossible de s’imposer une rigueur de métronome. “J’écris soit le matin, soit le soir, c’est irrégulier. Je travaille en dehors des heures mondaines. Si je fais une insomnie, je m’y mets.” Louis-Bernard Robitaille n’en reste pas moins tenaillé par une certaine discipline du volume: “1000 mots par jour”, son “niveau de croisière”. “C’est une habitude de journalisme”, reconnait celui qui fut pendant plusieurs décennies le correspondant à Paris du quotidien La Presse.
“Lorsque j’ai fait mes 1000 mots, je sais que je peux m’autoriser des distractions et m’adonner à d’autres activités.” Entre autres, celle de rédiger des billets dans le quotidien La Montagne. Peut-être aura-t-il l’opportunité d’ici son départ d’assister dans les tribunes à une rencontre du Top 14 “avec ce ballon cinglé”, aux rebonds imprévisibles… Dans sa retraite volontaire, l’écrivain a également emporté trois livres: les deux monumentaux volumes Histoire mondiale du communisme de Thierry Wolton et Chronique du temps et des écrevisses d’Alexandre Vialatte. Deux références qui n’aident pas plus à cerner cet insaisissable personnage capable de parle de “l’anglophile” cardinal Dubois comme d’autres dissertent sur la météo du jour.
Sa paisible et créative résidence s’achèvera mi-décembre. Les lecteurs devront attendre 2017 pour découvrir ce roman dont l’écriture a débuté à Brive. Entre temps, ils auront vu paraitre en avril 2016 son dernier ouvrage, mêlant textes et photos sur l’Europe de l’Est. Il devrait s’intituler Bouffées d’Ostalgie… ou Fragments d’Ostéalgie, mais là aussi c’est peut-être du provisoire.