L'actualité en continu du pays de Brive


Rémi Jourdheuil sans complexe

 

Rémi Jourdheuil, 31 ans, handicapé de naissance, alias Cotto pour Cotorep*, vient de créer l’association Cotto 19 pour aider les personnes en situation de handicap à financer l’achat de matériel en vendant du streetwear. Rencontre et entretien sans tabou ni langue de bois.

 

Cotorep, dans le langage familier, n’est pas vraiment un compliment quand il s’adresse à l’endroit d’une personne, encore plus quand celle-ci est handicapée, mais pour Rémi Jourdheuil, ce surnom est « affectueux ». Le jeune homme, qui travaille au centre socioculturel Jacques Cartier en tant qu’adjoint d’animation, ne manque pas d’humour et porte un regard sans tabou sur son handicap et sur la situation des personnes ayant un handicap. Un regard lucide sans détour ni apitoiement.

« Le handicap, j’en parle normalement, sans gêne avec mes amis, avec les autres personnes handicapées ou non. Des fois, ça peut déranger, notamment et bizarrement surtout les personnes handicapées… Mon voisin qui est en fauteuil roulant, le matin, quand je le croise, je lui demande si ça roule… Il faut dédramatiser et avoir de l’autodérision », assure Rémi.

« Mon chirurgien m’avait dit : “Vous êtes une personne normale.” C’est resté gravé dans mon esprit. Il ne faut pas se cacher derrière le handicap, même si je suis parfaitement conscient qu’il y a des a priori, des discriminations. Enfin, tout ça, pour moi, c’est de l’ignorance. Je crois qu’il faut expliquer tout ça et dès le plus jeune âge », souligne Cotto.

 

« Le handicap, j’en parle normalement »

 

« On a beaucoup de chance d’être en France, mais il y a encore beaucoup de choses à améliorer. L’accès aux commerces est parfois compliqué, même si j’entends bien que pour un petit commerçant il est parfois difficile de faire des aménagements coûteux même s’il y a des aides. Il y a aussi des situations un peu surprenantes, comme la gestion de la RQTH (pour reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) qui, sans vouloir entrer dans les détails, crée trop de possibilités de cas sans réelles distinctions. » Liberté de ton, humour, cela peut heurter, bousculer. Cet esprit se retrouve dans les gènes de l’association Cotto 19.

Le principe de Cotto 19, c’est un peu de sortir du système des dons ou subventions. « C’est une autre démarche. Par exemple, quelqu’un achète un pull avec le logo de l’asso. Ensuite, si une personne en situation de handicap souhaite qu’on l’aide, elle monte un dossier qui sera étudié et vérifié par une commission composée par des gens qui font partie de la société civile. Enfin, l’argent des ventes servira à financer l’achat », explique Cotto. « Tout est clair dans notre démarche. »

Toujours dans cette philosophie, Rémi et des « collègues », en plus de la marque de vêtements, envisagent de sortir très prochainement une bande dessinée « un peu sur l’idée de la série Martine. Ça donnera Cotto en boîte de nuit ou Cotto et les filles, etc. C’est à destination des enfants pour qu’ils comprennent, sur un ton décalé mais sérieux, pour que les réflexes changent et qu’il y ait de la bienveillance à l’égard des personnes en situation de handicap. Mais on ne veut pas de la pitié, insiste Rémi. Les gens ne sont pas mauvais, mais ils sont trop indifférents. »

 

* Cotorep signifie Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel. Cette structure, présente au niveau départemental, avait été créée en 1975. Elle avait pour principale mission d’aider à l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
La Cotorep a été remplacée en 2005 par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
Julien Allain

Julien Allain

Laisser un commentaire

4 × quatre =