“Les chemins de sagesse”, c’est le fil rouge d’une belle programmation jeunesse à la prochaine Foire du livre de Brive (les 4, 5 et 6 novembre). Des CM1-CM2, aux écoles Henri Sautet et Henri Gérard, participent déjà en amont à des ateliers d’écriture de philosophie animés par des auteurs et qui déboucheront sur un recueil. Quand Wasil, Lisa, Nathanaël ou Romane se piquent à la réflexion…
14h45. En ce vendredi d’atelier périscolaire, une dizaine d’élèves attendent impatiemment dans la cour d’Henri Gérard l’arrivée de celui qu’ils appellent “le philosophe”. Depuis, plusieurs semaines, ils préparent avec une animatrice cette première de trois rencontres étalées avant la Foire du livre. “Monsieur, vous êtes grec?”, demande d’emblée un des enfants à l’auteur tout juste débarqué du train en provenance de la capitale. Désarçonné, Loïc Braunstein décline et demande aussitôt explication. “Puisque c’est de là qu’est partie la philosophie…”, rétorque sans se départir l’intéressé. Élémentaire, mon cher Socrate ! Car du haut de ses 10 ans, Wasil ne s’en laisse pas compter si facilement: il a même fureté dans le dictionnaire et cite le nom d’Aristote comme un sésame.
“Philosophie est un bien grand mot pour cet âge”, reconnait l’intervenant, écrivain lui-même et poète (il publie notamment depuis 3 ans dans la revue A verse). Il ne s’agit évidemment pas pour ces CM2 de méditer avec emphase sur la vérité, le sens de la vie, le juste, le beau ou le bonheur, toutes choses qui pourraient donner des sueurs froides aux candidats du bac. “Ils sont encore petits. Mon propos est de leur faire manipuler les mots, raconter par écrit des histoires et ainsi, en passant par la fable, de les amener à s’interroger sur la conformité avec ce qui les entoure, sur la responsabilité de nos actes et finalement sur le chemin qu’on se choisit.”
La “conformité” de la salle va servir d’exemple: tables et chaises jusqu’ici parfaitement alignées se retrouvent en carré. “On est à l’envers”, s’inquiète une écolière qui tourne le dos au tableau. Tel un Robin Williams et son Mr Keating dans Le cercle des poètes disparus, Loïc Braunstein a déjà bousculé l’approche des choses et capté l’intérêt des enfants. Le premier jeu d’écriture peut commencer: raconter une histoire avec le même départ “Je n’est pas été sage le jour où”…
Les enfants n’ont aucun mal à trouver et les stylos se mettent aussitôt en action. “Essayez de vous replonger dans le moment, décrivez le décor, l’ambiance… pour rendre votre histoire plus vivante”, conseille l’auteur. Les stylos s’activent de plus belle entre quelques gloussements réfrénés.
Chacun doit ensuite lire son histoire aux autres, déclenchant de gros éclats de rires. Une autre façon de se découvrir… Certains ont plus d’une bêtise dans leur sac et il faudra plusieurs tours de tables pour épuiser petites et grosses bêtises. “Cela pose la question de la transgression et de comment on est responsable, même si on fait la bêtise à plusieurs”, soulève Loïc Braunstein. Le jeu d’écriture reprend alors avec “Quand j’y repense maintenant”… Un nouveau regard sur soi.
Ce n’est pas parce qu’on est un enfant qu’on ne peut pas réfléchir comme Aristote et en extraire de belles pensées. Un atelier similaire à l’école Henri Sautet participe en amont de la Foire à cette expérience qui débouchera sur un recueil. Une préface à la manifestation qui a cette année choisi d’amplifier, dans le temps et dans l’espace, sa part jeunesse et de l’entraîner sur des chemins de sagesse.
Face à une actualité assourdissante et traumatisante pour de jeunes oreilles, cette édition oppose ainsi l’initiation à la philosophie, incitant à penser, à comprendre, pour finalement mieux vivre ensemble. D’abord à travers les ouvrages des 80 auteurs et illustrateurs jeunesse attendus sur les trois jours de Foire. Plus d’une trentaine se rendront dans les établissements scolaires de Brive, mais aussi de l’ensemble de la Corrèze. Mais aussi à travers plusieurs animations.
Des spectacles. Au Théâtre, les maternelles et primaires rêveront vendredi en vidéomapping (une technique tridimentionnelle) les Contes du Grand Nord tandis que les jeunes des lycées professionnels profiteront à l’auditorium du conservatoire d’un philoconcert, une approche novatrice de la philosophie par des chansons rock. Samedi et dimanche, le tout public découvrira des contes d’ailleurs, Finn Mc Cool… Légendes d’Eire ou loufoques, Le vol du papillon, mais toujours empreints de sagesse..
Il y aura aussi de belles expositions : « Rue du Monde » à la Médiathèque (la maison d’édition vient, comme Actes Sud junior, fêter ses 20 ans d’existence à Brive), « Chemins poètes » avec sa sculpture musicale au Théâtre et l’onirique « Libellule, rêve d’un poilu » aux Archives. Sans oublier la chouette Sophia qui vous entrainera depuis le Théâtre municipal sur un jeu concours. Un parcours fléché reliera à travers le centre-ville 8 panneaux enluminés par les élèves du Centre municipal d’arts plastiques. Il faudra trouver l’identité des auteurs des citations… Cogito ergo sum.
A propos de la Foire du livre 2016, vous pouvez consulter nos précédents articles: