Organisée hier après-midi au forum des lecteurs, la rencontre intitulée “En son pays” a rapproché la Bretagne et la Corrèze à travers deux écrivains qui comptent parmi leurs plus fidèles admirateurs, Yann Queffélec et Jean-Paul Malaval.
Le point commun des deux derniers ouvrages de Jean-Paul Malaval et de Yann Queffélec est qu’ils sont situés dans le pays de leur enfance, leur territoire de cœur. La Corrèze pour l’un, la Bretagne pour l’autre.
Dans L’Armoire allemande (Presses de la Cité), Jean-Paul Malaval plonge dans les eaux troubles du passé de la famille Corrézienne des Delalande dont la fille et l’héroïne, Alexandrine, va déterrer les racines de ses ongles vernis. Dans ce roman, peuplé de personnages attachants et construit autour d’une enquête riche et fouillée, passé et présent, petite et grande histoire s’entremêlent pour faire éclater la vérité (nous vous en avions déjà parlé ici).
Le Dictionnaire amoureux de la Bretagne (Plon) de Yann Queffélec est lui une ode à la Bretagne, une déclaration d’amour à cette terre dont il a toujours parlé, même si ce fut parfois à demi-mot. Ainsi, il avait situé Les Noces barbares (Prix Goncourt 1985) en terre Aquitaine “qui ne me ressemble en rien”, confie-t-il. “Toutes les impressions maritimes qui y sont décrites, je les ai puisées dans mes sensations bretonnes.”
Pourquoi cette duperie? “Je considérais jusque-là que la Bretagne était un interdit qui appartenait à mon père, seul légitime pour l’évoquer”, explique-t-il en faisant référence à Henri Queffélec, père admiré mais avec lequel il a entretenu des relations difficiles. “J’ai toujours écumé les eaux de Bretagne. J’ai fini par avoir le sentiment de la connaître presqu’aussi bien que lui. Il me tardait de pouvoir prendre cette parole.” Ce qu’il fait enfin dans son dictionnaire. Comme dans le dernier ouvrage de Jean-Paul Malaval, il a ainsi ouvert, en quelque sorte, l’armoire interdite. “On finit toujours par aller dans la pièce qui doit rester fermée!”
Les points communs entre les deux ouvrages devraient s’arrêter là, séparés par des genres distincts: le roman pour Jean-Paul Malaval, un dictionnaire pour Yann Queffélec. Sauf que ce n’est pas aussi simple: “Je n’avais aucune envie d’écrire un dictionnaire. Ce que je voulais, c’était parler de mon père, déclarer mon amour à la Bretagne. Pour cela, j’ai créé une forme romanesque que j’ai ensuite fragmentée pour faire plaisir à mon éditeur”, sourit-il. Ainsi, par-delà les entrées que requiert la forme du dictionnaire, Yann Queffélec a pris soin d’assurer une continuité dans la narration.
Dans cet ouvrage autobiographique, il est question de sensations, de son enfance, de sa famille, des êtres qui ont compté pour lui: “de ma tante Jeanne qui me faisait chanter des cantiques bretons à Robbe-Grillet. Ma mémoire embrasse l’ensemble du phénomène breton.” Et de terminer: “L’accomplissement du deuil de mon père m’a été offert par l’écriture”, un sentiment résumé de la plus belle des manières par Paul Valéry qui traverse lui aussi son dictionnaire: “Le vent se lève, il faut tenter de vivre.”
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