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Piquets au vif

Lucien, 83 ans, éplucheur de bois

Sous le soleil tranchant de cet après-midi, une hache à la lame aiguisée caresse quelques troncs de châtaigniers. Au bout de cette hache, ce sont des mains rudes, tânées qui vont et viennent dans un bruit sec et précis. Un regard plus général porté à cette scène peu ordinaire, comme d’un autre temps, et c’est le face à face avec Lucien, 83 ans. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours épluché le bois pour le tailler en piquet, une activité artisanale, une habitude qui dans sa vie, défie les décennies.

épluchageLa retraite ?  Ce sera pour plus tard ! Même avec ce petit éclat de bois qui lui a foncé droit dans la cornée hier soir alors qu’il œuvrait à ses bouts de châtaigniers, qui le fait souffrir et qui l’oblige à porter des lunettes en ce jour, il est à son poste, cet après-midi, toujours le même, immuable, entre le quartier du Breuil et celui du Rocher Coupé. Grand, à la silhouette élancée, Lucien se tient droit:  comme un “i”, comme un piquet

Depuis qu’il est en âge de tenir une hache, Lucien rompt le bois et le change en piquet. “Depuis que j’ai 7 ans, j’épluche. Petit, je le faisais à la campagne pour nos vignes à Meyssac et maintenant, c’est à mes heures perdues que je le fais”, détaille-t-il. Depuis toutes les années qui le séparent du geste initial, peu de chose ont changé dans sa manière de faire: “c’est comme au temps des pharaons, la tronçonneuse en plus!” Une hache pour tout outil, la même depuis 30 ou 40 ans, et son savoir-faire. En deux temps, trois mouvements, l’octogénaire a déjà fendu le gros morceau de châtaignier en deux: la force de l’habitude. En quelque allées et venues précises, cent fois répétées, le bois est taillé en pointe, puis épluché: le piquet est né.

détail hache épluchant“Maintenant, j’en fais encore 10 par jour disons. Avant, quand j’étais jeune, je pouvais en faire jusqu’à 100 quand la sève montait et que le bois s’épluchait bien”, se rappelle-t-il. “Aujourd’hui, ça met un peu de beurre dans les épinards et comme j’ai dix hectares de bois qui m’appartiennent et que je suis retraité agricole, j’ai le droit de faire ça”, explique Lucien. 

“Je travaille à mes piquets surtout l’hiver. L’été, je prends souvent ma ligne pour aller à la pêche.” En cette saison, les affaires reprennent, le temps de quelques semaines pour les tomates notamment. “J’ai jamais trop calculé, mais c’est sûr qu’il faudrait bien s’arrêter. Mais comme je ne suis pas fait pour rester à la maison…”

compo de piquets

fendre le piquet en deux

Piquets liés de bleu

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

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