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"Nous sommes tous nés d'un récit"

Yannick Jaulin

En résidence épisodique à Brive avec Les Treize arches, le conteur Yannick Jaulin prépare un nouveau spectacle qui puise sa saveur dans les légendes de nos territoires. La création n’en est qu’à ses balbutiements, “au collectage”. “J’ai besoin de me confronter avec le public pour créer”, affirme l’artiste qui jouera demain, jeudi 6 février, à Estivals. Le spectacle est déjà complet, mais vous pouvez d’ores et déjà réserver pour la soirée du jeudi 15 mai à Varetz. Rencontre avec un personnage.

Yannick JaulinLa cinquantaine passée, la cheveu insoumis et le verbe ciselé, Yannick Jaulin chevauche sa parole au gré de sa pensée analogique. Il ne se disperse pas, non, il voyage en suivant son fil invisible. A peine referme-t-il une porte qu’il en entre-ouvre déjà une autre. “Dans un monde trop cartésien, j’aime bien passer du coq à l’âne”, se justifie-t-il. Conteur, chanteur, humoriste, inventeur du festival Le Nombril du monde à Pougne-Hérisson (dans les Deux-Sèvres), directeur artistique dans ce même village de quelque 400 âmes, ce drôle de paroissien est du genre plutôt singulier, ne serait-ce que par son parcours.

Ce Vendéen qui ne parlait que le patois poitevin jusqu’à 6 ans, est resté crotté terroir. “J’ai passé ma jeunesse au cul des vieux”, explique celui qui à 15 ans militait déjà pour la culture populaire, quitte à réveiller le conte à la sauce rock’n roll. Aujourd’hui, s’il raconte toujours les histoires d’hier, les petites indissociables de celle avec un grand H, c’est pour mieux dénouer nos légendes et donner du sens à notre demain. “Dans un monde où la religion s’est effondrée, on a perdu le sens des récits fondamentaux, la matière symbolique… Clovis, Jeanne d’Arc, la bataille de Poitiers qui n’a jamais eu lieu, Charlemagne et la Gaulle éternelle… On a bâti notre identité nationale sur des choses qui n’ont jamais existé. Notre demain dépend de l’histoire qu’on se raconte.” Le trublion aime volontiers revisiter les placards de notre histoire pour secouer les fantômes qu’ils hébergent.

Yannick Jaulin et Jean-Paul Dumas directeur des Treize arches lors de la conférence de presseAu commencement était donc le verbe. “Le territoire n’existe que par le récit qui en est fait, qui nomme les choses. On est dans l’acte magique”, savoure le conteur. Il aurait d’ailleurs mis le nez sur une version peu connue de l’histoire de Brive, véhiculée par de vieilles chansons sur un certain Martin Gaillard et dont il dévoilera vraisemblablement la trame lors des prochaines journées du patrimoine. D’où le nom, provisoire, de son prochain spectacle: Nous sommes tous nés d’un récit. L’artiste puise ainsi dans nos légendes urbaines ou rurales, nos histoires locales, individuelles et collectives. “Je me suis aperçu que c’étaient les mêmes partout. Je croyais que c’était singulier et je trouve l’universel.” Un constat qui renforce pour lui une nécessité: “revendiquer sa différence est le meilleur rempart contre le nationalisme”. A méditer.

Vous l’aurez compris: un spectacle de Yannick Jaulin, c’est toujours un événement à nul autre pareil. Pour l’heure, le prochain est en maturation. Il en donne déjà le titre final: Comme vider la mer avec une cuillère. Une tâche impossible pour une source inépuisable. La première sera donnée en août dans son Pougne-Hérisson puis en janvier 2015 à Brive. En attendant de passer au stade de l’écriture du texte, il fait du “collectage”. “J’ai besoin de me confronter avec le public pour créer un spectacle. Je vois comment il réagit, je tire un fils.” Ce troubadour des temps modernes aime la rencontre avec les gens, recueillir leurs paroles, les redimensionner, les patiner avec sa sensibilité. Il écoute ainsi le monde pour le réinventer.

Yannick Jaulin lors de son spectacle  J'ai pas fermé l'oeil de la nuit, proposé en novembre dernier par Les treize arches

 

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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