Le rôle des professionnels dans la prise en charge des victimes et co-victimes de violences conjugales était au cœur de la première journée organisée par l’association SOS violences conjugales vendredi à l’hôpital.
Marie-France Casalis, formatrice et porte parole du Collectif féministe contre le viol raconte l’histoire vraie d’une femme chez son médecin. Lors de l’examen, celui-ci s’aperçoit que son corps est parsemé de morsures. “Madame, il faut tout de suite que vous fassiez abattre votre chien!”, s’exclame-t-il. “Comment, aujourd’hui, un médecin de la région parisienne peut-il confondre des morsures de chien avec celles d’un homme?“, questionne-t-elle. “Mais c’est parce que c’est impensable“, tranche-t-elle. “C’est pour cela qu’il faut élargir son écran de réception.”
Face à elle, des professionnels de santé, médecins et travailleurs sociaux, n’en perdent pas une miette. Sur le ton de l’humour, Marie-France Casalis vise un enjeu des plus importants: faire évoluer les prises en charge pour mieux dépister les femmes victimes de violences conjugales car elle le martèle, “ces femmes n’utilisent pas toujours les meilleures portes d’entrée pour signifier qu’elles sont battues”. D’où la nécessité de travailler sur la façon dont les femmes vont raconter leur histoire.
Armée de son expérience et d’un humour corrosif, elle prend un autre exemple avec la confiscation des médicaments par un conjoint violent, surnommé Philibert, qui constitue une autre forme de maltraitance. “Alors, au lieu de faire la morale à la patiente en lui rappelant les risques qu’elle encourt à ne pas les prendre, mieux vaut poser cette question: “Avez-vous accès à vos médicaments?”, conseille-t-elle. De même, elle incite les professionnels, à la moindre alerte, à poser la question de la maltraitance, sans détour. Si la femme n’en est pas victime, elle le dira; si elle l’est, elle ne le reconnaitra peut-être pas tout de suite mais cela fera son chemin en elle, et peut-être que la prochaine fois, elle se livrera.
L’intervenante qui a rappelé l’escalade des violences infligées par les Philibert allant de la violence psychologique, verbale puis physique jusqu’à l’homicide, a également décomposé le processus de domination conjugale: l’isolement, l’humiliation, la terreur, l’inversion de la culpabilité. “Il ne nous reste plus qu’à faire le contraire: entourer la victime, la féliciter pour qu’elle retrouve de l’estime de soi, la mettre à l’abri et lui rappeler le code pénal. Nos parents, quand on est enfant, nos supérieurs, la loi peuvent nous punir. De quel droit mon mari le ferait-il?”
A l’issu de sa présentation, Azucena Chavez, psychologue à l’institut de victimologie à Paris, est intervenue autour de la prise en charge médicale de la violence et des psycho-traumatismes. Des thématiques en phases avec le plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes présenté vendredi et dont l’un des objectif affiché est la formation en amont de tous les professionnels susceptibles de recueillir la parole des victimes de violences.
L’après-midi aura quant à elle permis aux professionnels de travailler ensemble sur 4 ateliers. Maître Sandy Lacroix et Samsia Terrioux, juriste au CIDF, ont animé celui intitulé “Faire valoir en justice les droits des victimes de violences conjugales”. “Le médecin a un rôle très important dans le processus de prise en charge”, ont rappelé Catherine Ducruezet, directrice du pôle écoute et de l’accueil de jour et Fabienne Civiol, directrice du CHRS Solidarelles, toutes deux co-fondatrices de l’association SOS Violences conjugales.
“Mais lorsqu’elles se retrouvent devant le juge, les femmes victimes courent le risque de se voir infliger la double peine en étant par exemple déclarée coupable d’abandon de domicile.” Un domaine où, dans le cadre du pôle formation de l’association, elles souhaitent faire évoluer les choses. Aussi, la justice devrait-elle être au cœur des prochaines rencontres organisées par l’association SOS violences conjugales.