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Les maires de Brive et Melitopol échangent par visioconférence

L’onde émotionnelle générée en Europe par la guerre en Ukraine a réactivé les liens entre Brive et Melitopol, un jumelage créé en 1967 mais en sommeil depuis des années. Une visioconférence a enfin pu avoir lieu et le jeune maire Ivan Fedorov a expliqué à son homologue briviste la situation dans son pays. “Les soldats russes ne s’attendaient pas à la résistance des habitants. Nous ne capitulerons jamais, nous nous battons aussi pour toute l’Europe et il faut nous soutenir.”

Sur le grand écran installé dans le bureau du maire Frédéric Soulier, le visage d’Ivan Fedorov est apparu, les traits tirés, entre le drapeau ukrainien et celui de la ville de Zaporijia, contrôlée par les forces ukrainiennes. Car l’élu de 33 ans ne peut pas revenir dans sa ville. “Trop dangereux.” Il a été le premier maire ukrainien arrêté par les Russes. Puis finalement relâché au bout de cinq jours. Depuis cet enlèvement, une femme politique locale considérée comme une marionnette des Russes, a pris sa place à la mairie.

Par interprète interposé, Ivan Fedorov raconte par le début cette guerre que lui même n’aurait jamais cru possible. “La guerre a commencé à Melitopol le 24 février à 5h, en même temps que l’invasion. L’armée russe a bombardé l’aéroport, à 200 mètres seulement des maisons. La situation était compliquée car les habitants dormaient. Il y a eu deux jours de combats dans les rues avec des tanks. Tout était détruit, il n’y avait plus beaucoup d’électricité, de communications, d’internet, de chauffage… Mais nous avons décidé de rester car nous étions élus par le peuple.”

C’est dans un centre d’aide à la population où il travaillait qu’il a été enlevé le 11 mars dernier. “Il n’y a pas un maire qui soutient l’armée russe, alors ils ont voulu faire un exemple. Maintenant je ne suis plus en danger”, dit-il sans s’apitoyer sur son sort, “mais 29 maires sont toujours emprisonnés par les troupes russes.” Le scénario lui rappelle celui de 2014, lorsque les Russes avaient envahi la Crimée et le Dombas et semaient la terreur en enlevant des personnalités. “C’est honteux pour l’armée russe.”

De ses interrogatoires, il a retiré un constat: “Les soldats russes pensaient qu’ils allaient être bien accueillis. Ils ne s’attendaient pas à la résistance des habitants.” La situation dans sa ville reste aujourd’hui très compliquée : “Les Russes sont en train d’installer leur propre base militaire à Melitopol. Ils ont rouvert les écoles qui étaient fermées pour que les enfants reviennent et puissent leur servir de boucliers humains.”

Comment voit-il l’avenir ? “Il y a la diplomatie, mais l’Ukraine ne capitulera jamais”, exclut-il. “L’autre voie est de continuer la guerre et nous avons besoin du soutien financier et militaire de l’Europe, car les Ukrainiens combattent pour toute l’Europe”, répète-t-il. “On doit ensemble dire stop à la guerre sinon elle viendra aussi chez vous.” C’est pour livrer ce message et témoigner des pratiques de la Russie dans les territoires qu’elle occupe qu’Ivan Fedorov est venu début avril en France rencontrer Emmanuel Macron.

“Je suis impressionné par votre courage, celui du peuple ukrainien, ton engagement, votre courage de résister”, ne peut que témoigner Frédéric Soulier, en évoquant les heures sombres sous l’occupation allemande pendant lesquelles Brive aussi avait résisté et s’était libérée par ses propres moyens. “Il y a eu une grande émotion à Brive en votre soutien”, lui raconte-il en évoquant le drapeau ukrainien qui flotte depuis sur la façade à la place de celui de l’Europe. “Je fais le vœu de ce même esprit de résistance pour gagner cette guerre.”

Après l’entretien, Frédéric Soulier et son adjoint à l’action sociale Michel Da Cunha ont fait le point sur le fruit de la mobilisation de la population. “La collecte a permis de remplir quatre semi-remorques: le premier affrété par les Pompiers de l’urgence internationale au camp de réfugiés de Palanca en Moldavie, deux par l’ONG Acted vers le camp de Rzeszo en Pologne, le dernier devrait partir via Geodis vers la Pologne.” À ne pas oublier le concert de solidarité pour l’Ukraine ce samedi 9 avril à 18h à l’auditorium Francis Poulenc.

Les liens sont maintenant établis entre les deux maires. “De notre côté, nous cherchions à rentrer en contact, mais c’était très difficile. Nous avions juste pu envoyer un message par les réseaux sociaux. C’est pendant la venue d’Ivan Fedorov en France que nous avons pu avoir son 06.” Pas facile de prévoir ce que deviendra ce lien réactivé, mais les deux maires veulent croire en l’avenir du jumelage. “L’expérience nous a montré que la pérennité d’un jumelage s’appuie sur une association qui le fait vivre, comme avec Sikasso ou Guimaraes”, constate Frédéric Soulier.

 

Marie Christine MALSOUTE, Photos : Fatima Kaabouch

Marie Christine MALSOUTE, Photos : Fatima Kaabouch

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