Sur le plateau, trois femmes aux trajectoires particulières: Eun-Ja Kang, la seule Coréenne du Sud à avoir fait le choix d’écrire en français, même chose pour Pia Petersen, d’origine danoise. La Française Céline Minard, elle, revisite le genre western d’un feu nouveau. “Trois amazones de la littérature”. Pour le président Alain Mabanckou, une belle illustration de ce qu’il appelle “le refus d’une littérature qui se regarde le nombril“. Pour le public, un moment rare.
Malgré une voix mise à mal par sa fonction du moment, on sentait le président de l’édition plus qu’heureux et complice de réunir ses “trois figures d’une littérature indépendante, libre de ses courants”. Alain Mabanckou ne cachait pas son admiration pour Eun-Ja Kang ou Pia Petersen que rien ne prédisposait à écrire en français. “J’en suis tout de suite tombée amoureuse”, raconte Eun-Ja Kang. “Pour moi, c’était la langue du Petit prince que j’avais lu en coréen. Le français est entré en moi alors que l’anglais est resté sur ma peau. C’est la langue dans laquelle je pouvais exprimer le tréfonds de mon âme.” Une histoire qu’elle relate dans son roman L’étrangère (Le Seuil).
Le déclic a été tout autre pour Pia Petersen. Il découle de son refus du modèle éducatif danois et donc de l’attrait que représentait notre pays tel que le jugent les pays scandinaves: “immature” et “turbulent”. Si Eun-Ja Knag a appris notre langue dans son pays, Pia Petersen a débarqué chez nous sans en parler un mot. Mais toutes les deux ont en commun cette passion qui les a poussé à embrassé toute notre littérature, “jusqu’à lire les sept tomes de Proust”, plaisante le président prompt à parsemer sa présentation de métaphores. Parlant par exemple dru roman de Pia Petersen, Un écrivain, un vrai (Actes Sud): “des phrases courtes qui crépitent comme le maïs qu’on jette dans l’huile de palme”.
Un président aussi qui ne prend pas de détours: “Je trouve injuste que les prix littéraire n’ai pas couronné le livre de Céline Minard Faillir être flingué, mais qui a heureusement reçu le prix Virilo. C’est un roman total, on y croise des indiens, des cow-boys, des attaques de diligences… Une façon de revisiter ce mythe de l’Ouest américain. Il y a une telle précision qu’on pense que vous l’avez côtoyé?”, interroge-t-il. “Mais je l’ai côtoyé”, assure l’auteur, “pas physiquement, mais par tous les romans que j’ai lu depuis toute petite.” N’est ce pas un peu “gonflé” pour une femme de s’emparer ainsi du western? “Non”, argue l’intéressé. “C’est aussi notre fond culturel. On est fait de ça au même titre que la bourrée berrichonne, peut-être même plus”, s’amuse-t-elle. Gloussements approbateurs dans la salle.
“La légitimité de l’écrivain, c’est sa langue quelle qu’elle soit. Je la préfère bâtard et libre. L’imaginaire n’a pas de frontière”, défouraille Céline Minard. Un sujet cher au président Mabanckou, chantre “d’une littérature française détachée de Saint-Germain-des-Près”. “Il faut dépasser les frontières morales, matérielles”, surenchérit Eun-Ja Kang. “Malgré la mondialisation, on se replie sur les vieux modèles”, constate Pia Petersen. “Si la littérature ouvre sur d’autres exposes, c’est magnifique.”
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