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L’art comme remède à la grossophobie

Au n°3 de la rue Julia Viallatoux, une pièce singulière est en cours de création. Écrite par l’auteur briviste Alexandre Josse et jouée les 6 et 7 mars au Théâtre des Gavroches, elle jette sur l’obésité et le déni de grossesse une lumière poétique qui dit vrai. Présentée par le docteur Maxime Sodji, spécialiste de l’obésité, ses patients et produite par Fabrice Garcia-Carpintero des éditions Black-out, elle s’inscrit dans un nouveau projet d’art thérapie pour lequel un financement participatif a été lancé. Il vous reste quelques heures pour y contribuer ici.

« Je vais mourir », hurle de douleur la mère sur son lit d’hôpital. Autour d’elle, les médecins s’affairent mais butent sur le diagnostic. L’examen clinique est rendu plus difficile par l’obésité de la patiente. Discrimination ? Non constat, se justifie l’infirmière. Très vite, le personnel soignant met un nom sur le mal qui tort le ventre de la patiente. Elle ne va pas mourir, non, elle va donner la vie. Mais elle n’en veut pas de ce bébé. Et s’il était obèse lui aussi. S’il devait subir ce qu’elle subit, les jugements, les quolibets, la discrimination, être montré du doigt, regardé comme un monstre. Jamais. De toute manière, médicalement, ça ne se présente pas bien pour le bébé.

Obésité morbide, difficulté de la prise en charge médicale, déni de grossesse… En quelques minutes, le décor est planté, la complexité du thème embrassé sur fond de cris de douleurs et de percussions qui font monter la tension dramatique sans faire jouer la corde sensible, celle du pathos, l’écueil à éviter.

« Quand j’ai demandé à Alexandre Josse d’écrire sur ce thème, l’enjeu était d’obtenir un résultat moins médical que poétique », raconte Fabrice Garcia-Carpintero qui produit la pièce avec les éditions Black-out. A l’auteur de trouver un angle original. Il avait carte blanche. Caractérisé par son écriture de l’absurde, Alexandre Josse, auteur de Intérimeurtre et Les licornes se cachent pour vomir, a construit « une histoire folle et poétique », détaille l’auteur. « L’idée était d’avoir un début qui crée du suspens, que ça nous remue, nous fasse un peu rire aussi et qu’à la fin, ça nous cueille si possible. » Ce n’est qu’une fois tracés les contours surréalistes de la pièce que l’auteur s’est replongé dans le réel. «Une sage-femme a corrigé les termes médicaux, pointe-t-il, et j’ai lu des articles sur le sujet, assisté à des réunions où les patients du docteur Sodji témoignaient.»

« A cause de l’obésité, on s’isole moralement et socialement », expliquent Christine, Monique et Marie-France qui font partie de l’association Rondisport 19. « La société est un moule dans lequel vous ne rentrez pas lorsque vous êtes obèses. On vous culpabilise et on vous jette sans arrêt votre poids à la figure. Quand vous faites vos courses, on juge le contenu de votre caddie, au travail on vous dit que votre physique ne passe pas, jusqu’au milieu médical parfois critique.» Même les équipements n’y sont pas toujours adaptés… «Pour que les mentalités changent, il faudrait déjà que les gens soient capables d’accepter la différence.»

Et si l’art pouvait y contribuer ? Dans Le poids des mots, premier ouvrage né du projet porté par le docteur Sodji et les éditions Black-out qui l’ont édité, des patients ont pu s’exprimer et notamment poétiser leur ressenti. « On s’est libéré par la parole, on a pu extérioriser, évacuer certains problèmes », témoignent les dames.

C’est dans une mise en scène poétique qu’Alexandre Josse a aussi choisi d’ancrer sa pièce, s’éloignant du réalisme médical pour permettre à l’enfant tapi dans le ventre de sa mère de s’incarner sur scène. Que va-t-il se passer, se dire, se décider dans ce face à face imaginaire, un duel à cor et à cri dont sortira peut-être gagnante la vie?

J’arrive au Théâtre des Gavroches, vendredi 6 et samedi 7 mars à 20h30. 05.55.18.91.71. Plus d’infos sur le financement participatif entourant ce projet sur le site Ulule.

 

Jennifer BRESSAN, Photos : Diarmid COURREGES

Jennifer BRESSAN, Photos : Diarmid COURREGES

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