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L'Antigone palestinienne fait salle comble au théâtre

Sur la scène du théâtre s’est jouée hier soir Antigone de Sophocle dans une version orientale. Mise en scène par Adel Hakim, portée par des acteurs du théâtre national palestinien et traduite en français sur grand écran, la tragédie a montré une fois encore qu’elle avait le pouvoir de passer les frontières et d’aller percer au cœur de l’universel.

Le décor est dépouillé, épuré, métallique. Le parti pris par le metteur en scène Adel Hakim est celui de la modernité. Mais l’essence de la pièce demeure intacte. Les mots prononcés par les acteurs du théâtre national palestinien sont ceux de Sophocle, traduits en arabe et projetés en français sur un écran dans une adaptation simplifiée permettant aux spectateurs de suivre les personnages.

La lecture de la traduction gêne d’abord, donne le sentiment d’une rupture mais peu à peu le regard s’habitue à passer de l’un à l’autre, guidé par l’émotion de l’action en cours sur la scène où Antigone, lumineuse et obscure à la fois, modernisée dans une jupe moulante noire et un sweet à capuche blanc, dévoile son plan à sa sœur Ismène.

Contre la loi édictée par Créon, son oncle, roi de Thèbes, elle offrira à son frère Polynice qui vient d’être tué dans un combat fratricide, une sépulture décente comme l’impose la loi des Dieux, comme l’interdit aussi celle de Créon soucieux de préserver l’ordre de la cité.

Au fil de l’action qui va mener l’insoumise à sa perte et dans son sillage le fils et la femme de Créon, le plateau qui paraissait dénudé au premier abord prend vie et s’illumine à la faveur d’un sol grillagé qui s’éclaire lorsqu’il est question de l’au-delà et surtout de la structure métallique, figurant une sorte de bunker, cisaillée de plus de deux cents petites fenêtres qui s’ouvrent ou se referment dans un souffle en fonction de l’action. Un souffle également incarné par la musique, celle du trio Joubran qui accompagne l’action, creuse l’émotion et “fait la jonction entre Sophocle et la Méditerranée”,  comme l’avait expliqué hier Adel Hakim (à lire ici).

Lors de cette rencontre, le metteur en scène avait aussi souligné “l’intensité du jeu des comédiens, leur incarnation du texte”, des qualités qui ont crevé la scène lors du face à face de Créon avec son fils, Hémon, le fiancé d’Antigone et lors de l’affrontement entre ce même roi et Antigone. Elle est à genoux, elle est jeune, elle est femme mais elle est grande face à ce roi, elle est l’homme. A la fureur de son oncle, elle oppose sa ferveur: “Je suis faite pour aimer, non pour haïr”, clame-t-elle. Et c’est bien cela dont il est question dans l’Antigone de Sophocle, chant d’amour offert à la vie.

 

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

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