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Jean-Charles Piriou : le luthier venu de Crémone

Jean-Charles Piriou, luthier

Formé à la célèbre école de Crémone, le jeune luthier Jean-Charles Piriou est venu exercer son art à Brive. Rencontre dans sa petite boutique de la rue des Récollets.

CLa main sur le violonremona, le berceau historique de la lutherie. La ville lombarde a donné les célèbres Amata, Guarneri et le plus illustre d’entre eux, Stardivarius. C’est de cette prestigieuse école italienne qu’est issu le jeune luthier de la rue des Récollets. Diplôme en poche, il a même travaillé dans la plaine du Pô avec les meilleurs constructeurs de quatuor (violon, alto, violoncelle et contrebasse). “Dans une ville de 200 à 300 luthiers, on est comme dans une fourmilière. J’aurais pu y rester, mais ma situation aurait alors peu évolué et j’avais envie de m’affirmer.”

Jean-Charles Piriou a donc mûrement choisi son implantation et ouvert son atelier à Brive en 2010, avec la ferme intention d’y ancrer sa vie. Jean-Charles PiriouToutes les villes ont un luthier et Brive a du potentiel: sa situation géographique, son croisement autoroutier, l’aéroport, le conservatoire, le théâtre rénové, les festivals pendant l’été… De plus, mon épouse a de la famille dans le Sud-Ouest.” violonsAutant d’arguments qui ont pesé dans la balance pour ce Normand d’origine. “Ici, je suis plus au contact avec les musiciens, alors qu’à Crémone, plaque tournante pour la lutherie à travers le monde, je travaillais davantage avec les commerçants”, apprécie-t-il.

Son atelier, dans lequel il se sent quelquefois un peu à l’étroit, exhale les odeurs de bois et de vernis. Au milieu des violons, altos et violoncelles, cet artisan de 34 ans restaure et surtout continue à fabriquer, une condition incontournable pour son retour en France. Comme tout luthier, il “rêve du violon parfait”. Une quête sans fin. “C’est de l’alchimie, il faut travailler le bois, l’écouter, le comprendreDétailsLa caisse de résonance livre mille vibrations. Il faut être à la fois ébéniste, musicien, acousticien et même chimiste pour travailler les vernis», s’enflamme le passionné qui fabrique lui-même ses pigments. A la résine, il préfère ainsi les vernis à l’huile: “C’est plus facile à appliquer, plus sensuel.”

Pour l’instant, les instruments neufs qui naissent de ses mains se vendent dans le Nord de la France et à l’étranger, au Japon, aux Etats-unis. Mais la plupart du temps, le créateur répare plutôt les outrages que le temps et l’utilisation ont causés aux instruments. Une restauration qu’il accomplit en respectant “une certaine éthique“: “J’enlève le moins possible de matière originale. On m’apporte des violons vraiment très mal en point, des reliques de famille. Même si l’instrument est ancien et ne vaut plus rien, j’essaie de lui redonner une allure, un bon son.”

RéglagesJe voulais déjà faire ça quand j’allais voir le luthier en 6e. J’aimais le voir travailler, ça avait un côté magique“. Issu d’une famille musicienne, le jeune violoncelliste devra passer son bac d’abord. Diplôme en poche, il apprend alors pendant un an les rudiments du métier auprès d’un luthier de sa ville. “Ça m’a conforté dans mon envie.” Trop vieux pour intégrer Mirecourt, l’école nationale française dans les Vosges, il se tourne donc vers celle de Crémone. Avec un obstacle de taille. “Je ne parlais pas du tout l’italien et l’examen d’entrée se passait dans cette langue”, s’amuse-t-il aujourd’hui.

De ses années d’études appliquées, l’artisan garde cette atmosphère de ruche internationale, d’auberge espagnole où se côtoient Italiens, Français, Japonais, Américains… dans une nouvelle patrie sans frontière. “C’était très enrichissant.” Le jeune luthier s’est imprégné du savoir de cette prestigieuse école. “Mes bois viennent des Balkans pour l’érable et des Dolomites pour le sapin, des mêmes endroits où Stradivarius prenait les siens.”

violon détailLe luthier n’est pas pour autant sectaire : “Oui, Stradivarius est le plus célèbre, mais on voit des violons d’auteurs moins connus qui sont aussi beaux et dont on joue merveilleusement. C’est ce qu’on en fait qui est important.” Dans ce registre aussi, l’artisan a appris à composer avec la loi économique: “Je préfère vendre quelque chose qui ne me satisfait pas, un violon d’usine, à un coût moindre, pour que l’instrumentiste n’arrête pas de jouer.” Violon d’usine qui entre-temps aura reçu quelques améliorations de son cru. “C’est un métier très dur, il faut se faire un nom.” Pour garder le niveau, il continue d’ailleurs à participer à des concours internationaux.

Depuis bientôt deux ans, le luthier vit ainsi au diapason avec sa ville d’adoption. Avec un seul petit bémol: “Qu’il n’y ait pas une programmation de musique classique toute l’année et pas seulement en été. C’est dommage pour une ville en expansion. Le culturel, c’est ce qui tire vers le haut, dans le domaine économique aussi.”

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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