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Drôle de zozio !

De son nom “ectopiste“. Il s’agit d’un “pigeon migrateur” nord-américain rien de plus commun, sauf qu’il ne court plus depuis longtemps les rues. Et pour cause, au siècle dernier, il a été totalement exterminé par l’homme en seulement quelques dizaines d’années. Étrangement, le musée Labenche en conserve un spécimen dans sa très instructive collection Naturalia située au 2e étage.

Vous seriez peut-être passé devant cette curiosité sans vraiment lui porter attention. Il vous accueille dans la première vitrine de la salle Latreille, du nom du célèbre entomologiste briviste. Cet ectopiste migrateur était exclusif au continent nord-américain et à l’époque, c’était loin d’être un oiseau rare. On l’appelait aussi tourte voyageuse (c’est d’ailleurs en son honneur que la tourte que nous connaissons tous, a ainsi été nommée puisqu’il s’agissait, à l’origine, d’un pâté en croûte canadien préparé avec la chair de ces pigeons). Mais revenons à notre oiseau qui n’avait rien de comparable avec son cousin européen. Légèrement plus petit, mesurant de 32 à 40 centimètres, cet ectopiste était aussi plus coloré. L’élégant volatile arborait un plumage remarquable, irisé d’azur, d’or, de pourpre, de vert et son corps parfaitement aérodynamique lui permettait de voler particulièrement vite.

Cet ectopiste migrateur aurait pu vivre en félicité dans les cieux et sur la terre s’il n’avait eu cette fâcheuse tendance à proliférer et surtout à dévaster arbres et récoltes sur son passage. Les descriptions de l’époque parlent de concentrations impressionnantes, des millions voire des milliards d’individus. “Le ciel était littéralement rempli de pigeons, la lumière de midi était obscurcie comme par une éclipse; les fientes pleuvaient comme des flocons de neige fondante. Les pigeons continuèrent à passer en nombre toujours aussi important durant trois jours consécutifs”, décrit l’ornithologue américain John James Audubon dans les années 1830.

La mise à mort de l’ectopiste voyageur a donc été décrétée à grands coups de fusil et même de canons à mitraille. La déforestation massive, la chasse intensive et une épizootie (maladie frappant une espèce donnée) ont vite mis en péril le genre. Il y a bien eu des tentatives de sauvegarde mais l’oiseau s’acclimatait mal à la captivité et le dernier, une femelle nommée Martha, mourut au zoo de Cincinnati le 1er septembre 1914.

On peut se demander quelle traversée a conduit ce drôle d’oiseau dans les vitrines du musée Labenche. On sait seulement qu’il figurait dans les collections du musée, alors Ernest Rupin, à sa création en 1884. Sans doute grâce à l’intérêt que portaient les doctes membres de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, fondatrice de l’établissement à cette discipline, et notamment le marquis de Lavergne de Labarrière et le baron de Fauqueux, deux ornithologues très versés, auxquels le musée doit une grande partie de sa collection d’histoire naturelle. Il est d’ailleurs le seul du Limousin à posséder et présenter une telle collection Naturalia. L’établissement n’avait pourtant pas mesuré jusqu’à récemment la rareté de ce spécimen qui a été révélée lors de la dernière intervention d’un restaurateur.

Toujours est-il que le disparu voisine aujourd’hui avec deux représentants du menacé “Desman des Pyrénées”, une sorte de rat trompette à peine mieux loti. Et l’on ne peut que vous inciter à découvrir cette surprenante collection, forte de 10.000 spécimens, présentés ou en réserve. Les jeunes visiteurs sont notamment les plus interpellés par tous ces animaux de tous poils, plumes ou écailles, mammifères, oiseaux, poissons, vertébrés, champignons en cire, coquillages océaniens… Une grande ouverture sur le monde, comme une réflexion sur l’impact de l’homme sur la nature…

Le musée Labenche (collections permanentes) est ouvert tous les jours sauf mardi et fériés de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h jusqu’au 30 septembre et de 14h à 18h du 1er octobre au 30 avril. Infos au 05.55.18.17.70 et sur labenche.brive.fr.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie Christine MALSOUTE, Photos : Sylvain MARCHOU

Marie Christine MALSOUTE, Photos : Sylvain MARCHOU

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