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Depuis Mars, Sophie Divry regarde le monde et le roman en face

Fin de résidence pour Sophie Divry, venue écrire le mois dernier dans la maison de la rue Jean Fieyre à Brive les premières lignes de son 7e livre. Emportée dans sa fantaisie spatiale, elle y a même terminé le premier jet d’un manuscrit original et martien. Une incartade extraterrestre inédite pour cette écrivaine qui ne verse pourtant pas dans la science-fiction. Non, c’est autre chose, c’est du Divry. L’œuvre d’une auteur ancrée dans son temps qui s’attache à déployer les infinies possibilités du roman et de la langue, s’aventurant en littérature comme un spationaute dans l’espace.

Dans la maison de la rue Jean Fieyre mise à la disposition d’écrivains sélectionnés par la municipalité, tout est possible. Là, loin de chez eux, les esprits sont tout entier tournés vers la création. “Si je n’avais pas eu d’autres choix, j’aurais certainement pu écrire mon livre chez moi à Lyon, explique Sophie Divry, mais ça aurait sans doute été plus difficile.”

Là, dans ce temps dédié, elle explique avoir “gagné en intensité, en cohérence. Je n’ai perdu aucune idée. J’ai trouvé le ton et j’ai pu prendre beaucoup de plaisir. Je pense que ça se verra à la lecture.” Sans compter que loin de son cocon et de ses habitudes, l’auteur s’autorise peut-être à aller plus loin. “Mars est vachement romanesque !“, se justifie-t-elle. Entourée de paysages martiens, terre rouge sur ciel jaune, l’écrivaine a laissé libre court à sa “fantaisie spatiale”.

L’espace, c’est pour elle “une passion de gosse”. Ajoutez la curiosité naturelle de cette ancienne journaliste assortie de 4 mois de documentation aride et vous aurez une romancière intarissable sur le sujet. Mais que faire de toutes ces recherches? Ni un ouvrage technique, ni un livre de science-fiction. Non, un roman libéré des êtres humains et de leur psychologie qu’elle a exploré selon elle plus que de raison dans Trois fois la fin du monde, son dernier ouvrage paru.

Ras le bol de tout ça! En arrivant à Brive, elle a pu “se centrer” et balayer tous les romans hypothétiques pour laisser germer le seul, l’unique, celui qu’elle voulait écrire aujourd’hui. Et pour cela, elle devait trouver “comment le roman allait se générer”. Car la manière dont on raconte est aussi importante que ce qu’on raconte, explique l’auteur. “Le narrateur sera finalement un orbiteur. On a une focalisation externe, omnisciente. On peut le voir comme une métaphore de l’écrivain qui parle d’en haut.” Dans le monde décrit par Sophie Divry, les “robots sont anthropomorphisés” tandis que les hommes, vus de l’espace, sont eux robotisés. “Tout est inversé. C’est un livre rigolo à écrire où les aventures s’enchaînent.”

Pour les imaginer, elle s’est appuyée sur la somme des connaissances accumulées en amont de l’écriture, se basant par exemple sur la cartographie réelle de Mars, tout en s’autorisant des libertés créatives servant l’efficacité narrative. L’auteur, sans se départir de l’exigence d’innovation stylistique qui la caractérise s’est même amusée à créer des expressions et proverbes martiens. Dans le monde qu’elle a créé, prendre les choses en mains est impossible… faute de mains! En revanche, quelque chose peut “titiller les propulseurs” du robot Gravity dont on suit les multiples péripéties.

Auteur ancrée dans son temps et soucieuse des problématiques du monde contemporain, Sophie Divry continue dans ce nouvel opus d’ouvrir grand le roman, déployant ses infinies possibilités sans se soucier de dérouter le lecteur, ni d’égratigner au passage dans ses propos les romanciers d’aujourd’hui enfermés dans le passé ou l’autofiction. Si elle se le permet, c’est parce qu’elle estime qu’il en va de la survie du roman, de sa puissance à déplacer la réalité, à engendrer une plus-value poétique permettant, sinon de comprendre le réel, en tout cas de le rendre plus supportable.

 

 

Jennifer BRESSAN, Photos : Diarmid COURREGES

Jennifer BRESSAN, Photos : Diarmid COURREGES

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