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Ce que le jour doit à la nuit

Ce que le jour doit à la nuit est le titre du nouveau spectacle, puissant, de la compagnie Hervé Koubi en résidence depuis 13 ans à Brive: une danse entre orient et occident. La pièce entame cette semaine une tournée d’avant-première, qui plus est sur des scènes nationales. Elle sera jouée le 5 janvier 2013 au théâtre municipal. Rencontre lors du filage.

“Ce n’est pas une adaptation du roman de Yasmina Khadra”, précise d’emblée Hervé Koubi. On sait le chorégraphe sensible à la musique des mots. Rappelez-vous de Bref séjour chez les vivants qu’il avait emprunté à Marie Darrieussecq. Pour Ce que le jour doit à la nuit, Hervé Koubi préfère parler de “coïncidences”. Le héros du livre se prénomme Younes et lui de son autre prénom Youssef, comme lui il est diplômé en pharmacie. Le chorégraphe né en France y a ressenti l’écho de son origine algérienne. “J’avais l’impression de lire les dires de mon père ou de mon grand-père, avec les mêmes mots”, s’étonne-t-il encore. Les mêmes silences – “Il y a des années dont on ne parle pas dans les familles -, de ces non-dits lourds de sens, le poids des malaises et des souffrances accumulés. Les fiertés aussi. Un visible invisible.

Le spectacle dans la lignée d’El Din est imprégné de ce cheminement entre les deux rives de la Méditerranée, entre orient et occident. Ce que l’on doit de mémoire à l’oubli.” L’histoire d’un déraciné, tiraillé entre deux cultures qui s’interroge sur cette Algérie fantasmée, qui finit par s’y rendre en quête de ses racines… “C’est une histoire banale à crever“, relativise le chorégraphe. Pour lui plus que tout, c’est l’histoire partagée avec ses danseurs venus du continent africain. “Ils n’ont pas vécu les mêmes choses, mais ils ont eu à faire aux mêmes mutismes. J’ai découvert avec eux le sens du mot fraternel. On a vécu pendant trois ans des conditions de travail difficiles, le projet est imprégné de ce parcours, il s’en est nourri.”

 

Les 12 danseurs hip-hop, 11 Algériens et un Burkinabé, sont désormais installés à Brive. “La pièce nous amène au-delà de notre registre habituel, élargit notre perception, notre sensibilité, c’est à l’image de notre histoire commune“, témoigne Salah Berrouag. Son oreille n’était pas exercée à La passion selon Saint-Jean de Bach, l’une des musiques de la pièce, mais son corps a su en décrypter le phrasé occidental. “Ça ne parle pas, mais c’est un vrai dialogue.” Lors du filage cette semaine au conservatoire, les danseurs tissaient encore l’histoire, y ajoutaient de la puissance, soignaient les transitions. Leurs mouvements s’unissent, se brisent en deux continents, se rejoignent comme un battement de cœur pour vibrer enfin de toutes ses sensibilités. “Je suis allé là-bas”, répète en arabe un danseur, un poème écrit par le chorégraphe. Beauté des mots.

Si El Din est né comme “une évidence”, Ce que le jour doit à la nuit a demandé plus de murissement: trois ans. “Tout est en métaphores, dans le clair-obscur. C’est un vrai métissage, j’ai cherché dans le creux des cultures une réconciliation avec moi-même.” C’est à cette création difficile que la pièce doit aussi sa beauté. A peine calée, elle a été présentée cet été en Equateur. Désormais aboutie, elle entame cette semaine une tournée d’avant-première, d’abord en Bretagne, puis le Val-d’Oise, la Provence… Les dates dates s’enchaînent: une soixantaine déjà. Début novembre, la pièce sera jouée au festival du monde arabe de Montréal. Elle aura les honneurs de deux scènes nationales à Calais et à Dunkerque, “des références”. En avril, ce sera Washington. Egalement Ramallah en Palestine, un festival où El Din avait déjà obtenu un prix d’honneur.

La pièce sera jouée samedi 5 janvier au théâtre municipal et Hervé Koubi ne cache pas son bonheur de retrouver la scène briviste: “Voilà 5 ans que nous n’avions pas été diffusés ici”. Les billets seront en vente à partir du 15 octobre. Tarifs: 14 et 8 euros. Infos au 06.63.29.42.80.

 

 

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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