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Alfred Nakache, nageur à la vie à la mort

Le centre d’études et musée Edmond Michelet entame une nouvelle saison culturelle avec une exposition consacrée à Alfred Nakache, aussi connu sous le nom du “nageur d’Auschwitz”. Jusqu’au 17 novembre. Entrée libre. Infos: 05.55.74.06.08 et sur le site de la Ville.

C’est un destin hors du commun que l’exposition intitulée “Alfred Nakache, le nageur d’Auschwitz” propose de découvrir. Ou plutôt de redécouvrir car ce nom résonne déjà dans toutes les mémoires.

Depuis sa naissance en 1915 dans une famille juive de Constantine jusqu’à sa mort en 1983 durant sa brasse quotidienne dans le port de Cerbère, l’exposition éclaire les différentes étapes la vie hors norme de cet homme, athlète émérite qui a survécu à l’enfer des camps.

Gloire de la natation française, le jeune Alfred Nakache a pourtant baigné plusieurs années dans “une frousse effroyable de l’eau”. C’est le hasard qui allait finalement l’y plonger. Ses prédispositions évidentes et son travail lui ont permis de multiplier les titres, de participer aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, d’être consacré meilleur nageur français dans les années 1937-1938, et de décrocher le record du monde en 1941 au 200m brasse. Alfred Nakache est alors auréolé de gloire. Rien ne semble devoir arrêter sa course vers les plus hautes cîmes de la natation française. Rien sauf l’histoire qu’est en train d’écrire dans la douleur et le sang l’Allemagne nazie.

“L’exposition réalisée par le mémorial de la Shoah détaille l’environnement de l’athlète, l’essor de ce sport qui conquiert ses lettres de noblesse dès 1920″, a présenté Françoise Gautry, maire adjoint en charge des affaires culturelles, lundi, à l’occasion de l’inauguration, “et incite à réfléchir sur la place du sport dans la société, sur la façon dont il peut être instrumentalisé politiquement.” Elle rend également compte de l’atmosphère de l’époque qui s’assombrit. Les affiches et les photographies de presse dévoilant un athlète solidement bâti deviennent, les années passant, caricature infamante sur ses origines. Un déferlement de haine s’élève alors contre Nakache.

“J’ai un titre à défendre. Je suis Français. Ils m’arrêteront après s’ils veulent, mais je nagerai.” Non, il ne nagera pas lors des championnats de France de Toulouse en 1943. Les pressions allemandes sont trop fortes. Peu après, l’athlète et sa famille seront arrêtés et déportés vers le camp d’Auschwitz où sa femme et sa fille de deux ans et demi seront tuées sur le champ. Lui, “grâce” à son physique sera transféré dans un camp de travail. Ignorant le sort réservé à sa famille, Nakache va se battre pour survivre. Il nagera même dans ces camps de la mort, à l’intérieur d’une réserve d’eau, d’abord sous l’ordre des nazis, ensuite sans leur autorisation. Par passion.

Alfred Nakache sortira vivant d’Auschwitz mais démoli physiquement et moralement. Son entraîneur d’avant-guerre, Alban Minville, le reprendra en main: “Allez Alfred, il faut nager.” Il re-nagera en effet, et ira même, fait inouï, jusqu’à participer aux Jeux Olympiques de Londres en 1948 pour le water-polo et la natation de vitesse. “D’où a-t-il pu tirer cette énergie, cette résistance hors du commun?”, a questionné Marie-Michelle Passemard, secrétaire de la Fraternité Edmond Michelet qui représentait lundi soir le conseil scientifique. L’exposition, de par sa richesse, sa coloration et ses précisions éclaire une partie de ce mystère. Car “au-delà des performances physiques, c’est la grande force de caractère de l’homme qui est aussi soulignée”, a terminé Françoise Gautry.

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

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