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Alain Mabanckou : "Le refus d'une littérature qui regarde son nombril"

“On ne peut pas s’épanouir sans savoir ce que les autres pensent de vous. Il faut privilégier la rencontre.” Casquette Stetson à demeure sur la tête, le président de cette 32e édition a voulu une foire du livre “tonitruante”, le mot a été repris de facto par toutes les rédactions comme un étendard. Traduction: l’intéressé veut une manifestation qui sort des sentiers battus pour “montrer des choses inédites”, “autour de la littérature et de l’identité”.

Voilà 3 ans qu’il n’était venu. “Cette présidence, ça m’a fait plaisir”, reconnait Alain Mabanckou. “Je ne pensais pas qu’on me choisirait, pas si tôt en tout cas. C’est un des salons littéraires les plus importants de France.” Le président du cru 2013 n’en est que plus fortement investi dans le déroulé de la manifestation qu’il place sous le signe de la rencontre. “La littérature doit s’étendre et être élastique”, image-t-il. “La littérature ne doit pas se cantonner à Saint-Germain-des-Près et vivre au rythme de la Seine.”

L’auteur passé de l’autre côté du stand (il signera tout de même Lumières de Pointe-Noire au seuil) a ses coups de cœur: “Je veux montrer des choses inédites”. Il a ainsi invité Pia Petersen, née au Danemark (qui signe Un écrivain, un vrai chez Actes Sud) ou encore Eun-Ja Kang (L’Etrangère, Le Seuil)… “Des auteurs qui écrivent en français, non par le fait de naissance ou colonial mais par choix, par amour. On peut parler d’une littérature francophile. Je veux faire découvrir cette littérature française qui s’exporte.”

Autre levier qui lui tient particluièrement à cœur: la question d’identité. “Une identité de la rencontre, pour aller vers d’autres cultures, dans le refus d’une littérature qui regarde son nombril. On ne peut pas s’épanouir sans savoir ce que les autres pensent de vous. C’est aussi une question de tolérance.” Sa trajectoire personnelle en est un exemple. Né au Congo, il se confronte ensuite à la France et enseigne aujourd’hui à Los Angeles.

Alain Mabanckou a donc aussi voulu une réflexion sur les origines et l’identité. Sur le même plateau (dimanche à 15h au forum des lecteurs), il réunit un écrivain, Karine Tuil (L’invention de nos vies, Grasset), un professeur d’université, Dominic Thomas (Noirs d’encre, La découverte) et un homme politique franco-congolais, Kofi Yamgnane (Afrique, introuvable démocratie, Dialogues). Une tentative pour répondre à cette question essentielle: qu’est-ce qui fonde justement ce que nous sommes? Nos origines? notre histoire? nos rencontres? Lui-même toujours entre trois continents, l’Afrique, l’Amérique, l’Europe, qui manie plusieurs langues, de quelle culture ou de quelle écriture se revendique-t-il? A l’écouter, d’aucune et de toutes à la fois et c’est ce qui fait la force de ses romans: “C’est le décor qui change.” Reste en ligne de fond la condition humaine, de celle qui nous fait toucher à l’universalisme de notre condition. Alors voir en Mabanckou un écrivain communautaire serait une grave méprise: “Est-ce qu’on parle d’une littérature blanche? Non. Alors!” On le verrait plus en écrivain voyageur, un peu comme cet autre écrivain du monde, JMG Le Clézio, à qui il a voulu d’ailleurs par des lectures rendre hommage (samedi à 20h30 au théâtre).

Sur ce thème, vous pouvez consulter nos précédents articles:

 

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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