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Rencontre avec Louis Derbré

Louis Derbré à la Chapelle Saint-Libéral à BriveHier soir, le sculpteur Louis Derbré était présent au vernissage de l’exposition qui lui est consacrée à la chapelle Saint-Libéral.

Une trentaine de ses sculptures, témoins de sa quête perfectionniste, sont à découvrir (et à admirer) jusqu’au 30 mars.

Rencontre avec une personne hors du commun. L’artiste porte un regard pertinent sur ses débuts, sur l’art, la vie, le monde…

Le personnage, mondialement connu, dégage simplicité, convivialité et jeunesse d’esprit. Un grand monsieur !

La femme à l'orange. Louis DerbréOn a beau le savoir, on a peine à croire que Louis Derbré trotte gentiment vers ses 84 ans. Il est venu seul de sa Mayenne natale, profitant de cette longue conduite pour apprécier les paysages dépouillés par l’hiver. Toujours en quête de lignes filant à travers l’espace vers l’horizon, le ciel, pour élever son âme et mieux se fondre en lui-même.

Nous l’avons trouvé attablé, seul, dans un café proche de la chapelle Saint-Libéral, attendant l’heure du vernissage en sirotant un thé, perdu dans ses pensées. Propos recueillis.

Ses débuts

Louis Derbré“J’ai eu mon premier prix de sculpture en 1951. Avant, j’étais fermier. Pourquoi je me suis mis à la sculpture? Parce que je ne savais pas quoi faire… En fait, j’ai quitté la Mayenne pour aller à Paris, suivre celle dont j’étais tombé amoureux et qui allait devenir ma femme. J’avais 19 ans. J’étais manœuvre d’abord pour les Américains puis, ensuite, dans la maison d’édition de ma belle-famille. Je me souviens encore qu’à mon arrivée, on m’a dit: “Ici, tu peux tout apprendre, même la sculpture”. Car il y avait là des élèves des Beaux-arts, qui parlaient d’art. Pour moi, c’était de l’hébreu. Pendant deux ans, j’ai entendu ce même son de cloches. J’ai pris de la terre et j’ai essayé de faire à ma manière. J’ai étudié les corps. Un jour, dans une conversation, j’ai dit à un de ces jeunes artistes que j’aimerais faire sa tête. J’ai fait un travail en pierre. Tout le monde venait voir car on trouvait que cela ne ressemblait à rien d’autre. On me disait aussi que j’avais bien compris les Egyptiens. Je ne savais pas de quoi on me parlait. C’est pour cette tête que j’ai eu le prix Fénéon remis par Aragon.Voilà comment cela a commencé.”

Sa carrière

Bronze. Louis Derbré.Vous pouvez croiser des œuvres de Louis Derbré dans le monde entier. Les plus connues:  le mémorial de la Paix à Hiroshima, “La terre” à Tokyo, également dans le Vermont aux Etats-Unis, à Paris-la-Défense, “Le Prophète” exposé temporairement au Jardin du Luxembourg. A 83 ans, Louis Derbré fond toujours lui-même ses bronzes. Voir aussi notre article annonçant l’exposition.

“J’ai soixante ans de sculpture. C’est la chance d’abord de ne pas être mort. L’intérêt d’être en vie est de pouvoir se regarder dans la glace, porter un regard sur sa carrière. Il y a du bon, du moins bon et du mauvais. Lorsqu’on a 20 ou 30 ans, on a de bonnes idées, mais on est trop pressé. Le temps permet d’apprécier les choses, d’être plus perfectionniste. Le vrai bonheur est d’apporter un peu d’esprit, de spirituel. C’est ce que j’essaie de faire partager partout où je passe.”

Son exposition à Saint-Libéral

derbre-6“J’ai rassemblé quelques sculptures qui étaient disponibles. Et je suis étonné : elles sont mieux là qu’à l’atelier, avec cette pierre, cette lumière… Le décor transforme l’œuvre. Merci du lieu. Il n’y a pas une de ces sculptures que je renie. “Le Christ”, placé au fond de la chapelle, est le même que celui que j’ai fait pour la chapelle Saint-Sulpice à Paris, il doit bien y avoir 60 ans. Je l’ai retravaillé, “réactualisé”. “La fille à l’orange”, a également dans les 60 ans. “La victoire” remonte à 10 ans. Je dirais qu’on est dans une bonne veine de terre, un bon passage de la vie.”

L’art

Louis Derbré“Il ne s’agit pas de faire les pieds au mur pour se faire remarquer. D’être original pour épater la galerie. Regardez la vente Berger-Yves Saint-Laurent au Grand Palais, les œuvres qui se sont vendues le plus cher sont celles signées de grands noms. Ça, c’est du marché de l’art. L’art, lui, c’est de l’émotion. Il n’y a que cela qui est important. L’œuvre doit se suffire à elle-même, sans discours. “L’art ne s’explique pas”, disait Aristide Mayol. L’art n’est pas quelque chose qui coûte, mais qui peut rapporter énormément sur le plan spirituel, commercial aussi. On prolonge des expositions jours et nuits pour faire face à l’affluence du public. Cela montre qu’il faut faire des efforts sur l’art, pour apporter l’émotion dans les écoles. La paix du monde ne se fera pas par les canons. Elle se fera par le dialogue, par l’amour, l’émotion, l’art qui apportera de la réflexion à ce monde tourmenté.”

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La victoire. Louis DerbréLouis Derbré a plusieurs projets en cours. “Le Prophète“, un bronze monumental de 6,50 mètres de haut et de 12 tonnes, l’une des plus grandes sculptures de bronze jamais réalisée, est actuellement exposé au jardin du Luxembourg à Paris, jusqu’en juin 2009, puis sur le parvis de l’église de la Madeleine en attendant son départ vers les Etats-Unis. La sculpture prendra place dans la baie de San Francisco. Ce même “Prophète” que lui envie le Liban… Pourquoi pas une second “Prophète”? Louis Derbré revient d’ailleurs de Beyrouth pour un projet sur la place des Martyrs. Il travaille également sur son projet d’Espace culturel sur 7 hectares en Mayenne, où sont réunis actuellement création, formation et enseignement. Un lieu unique qui devrait également accueillir un jardin de sculptures de 140 colonnes de 12 tonnes et de 4m50 de haut.

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Louis Derbré, sculptures. Chapelle Saint-Libéral, du 3 au 30 mars 2009.

  • du mardi au samedi, de 10h à 12h et de 14h à 18h30,
  • dimanche de 15h à 18h30.

Bronze. Louis Derbré

Le Christ. Louis Derbré


Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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